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Ma compagne plonge dans une boîte immense où dorment depuis des années des photos, des cartes postales, des lettres, des mots perdus sur des papiers pliés. Tentative de tri au coeur de la mémoire. Reconstitution d'histoires qui se sont croisées ou non : familles, amis, voyages, confidences. Introuvables souvenirs retouchés au fil des ans. Et puis, soudain, parmi ces centaines d'images, celle d'une petite fille qui tient la pose devant un objectif sans nom. Elle a le regard droit, les lèvres concentrées. Derrière elle, un carrelage de pavillon pourrait conduire l'imagination à ouvrir la porte d'une cuisine, ou d'une chambre. Mais qui est-elle ? A quelle histoire appartient-elle ? Pourquoi le décor reste-t-il muet ? Il y a, bien sûr, une réponse simple à ces questions. La petite fille est peut-être celle d'une cousine qu'on ne voit plus depuis vingt ans et la mémoire s'est livrée à l'oubli. Mais peut-on se contenter d'une réponse simple dès lors qu'il s'agit de l'oubli ? Oublier cette petite fille nous conduit implacablement à ce que l'oubli, sans même que nous y prenions garde, ronge en nous chaque jour. Jusqu'à ce que nos existences retournent au grand marais du sable, perdues comme les autres, alors que nous avons tant fait pour qu'un peu de mémoire en retienne un peu quelque chose...