On pourrait évidemment penser que nul besoin de données scientifiques pour affirmer que le réchauffement climatique impacte lourdement l’humanité dans son ensemble, et plus encore les pays les moins avancés du globe. Pour autant, il faut lire avec la plus grande attention les données rassemblées dans ce rapport par des spécialistes qui se sont attachés à démontrer avec rigueur la réalité qui affecte déjà une part importante de la population. Imaginez, 300 000 personnes meurent chaque année du fait du réchauffement climatique, chiffre qui par ailleurs ne pourra que s’aggraver au regard de la vitesse d’inertie déjà acquise. Réfléchissez, 325 millions d’individus sont directement atteints par ce phénomène qui aurait un coût total de 125 milliards de dollars par an. Regardez, 4 milliards d’humains sont vulnérables alors que 500 millions seraient exposés à un risque maximum selon une fourchette qui pourrait varier soit à la baisse soit à la hausse, en fonction de l’évolution des comportements humains. Voilà pour les données essentielles contenues dans le présent rapport qui envisage par ailleurs une nette aggravation de la situation à l’horizon 2030.
Le climat change, c’est une donnée que nous pouvons considérer comme acquise tant le consensus est grand au sein de la communauté scientifique. Aussi, les travaux publiés par le GIEC étayent cette perspective car les observations accumulées depuis que le phénomène est étudié se succèdent pour aller dans un sens quasi unique [2]. Dés lors, le présent travail proposé par cette organisation ne fait que rajouter aux données disponibles un point de vue qui apporte à la problématique un angle nouveau. Il s’agit d’évaluer le coût humain et financier du réchauffement climatique et c’est là toute l’originalité de la démarche. Ainsi, comme tous les chiffres de cette nature, leur lecture permet à l’esprit de plonger dans le concret, le fini, le mesurable, ce qui apporte un visuel incontournable au drame silencieux qui se noue. Ce rapport permet aussi d’affirmer qu’on ne pourra pas se cacher derrière une ignorance impossible à soutenir. Nous n’avons aucune excuse, et l’aveuglement du monde n’a d’égal que l’addition qu’il faudra réglée. En attendant, si seuls les plus pauvres [3] subissent concrètement les effets du réchauffement climatique annoncé, il ne faut pas douter que, tôt ou tard, la totalité du monde sera directement touchée par cet état de fait. Aujourd’hui, et de la manière la plus cynique qu’il soit, ce sont quelques unes des nations les plus pauvres qui subissent les conséquences les plus néfastes du développement quasi entropique de la société de consommation sans pouvoir en tirer un quelconque bénéfice [4]. Malgré sa cohorte de corollaires désormais hautement nocifs en terme d’équilibre écologique global, le dogme consumériste persiste, et cela malgré la forte secousse qui vient de l’ébranler. Assurément, l’impasse définitive n’est pas loin, même si certains annoncent déjà le proche retour à un fonctionnement normal du système. Alors que bien peu de leçons auront été tirées de cette phase critique aiguë, comment imaginer que ce travail impliquera une prise de conscience quelconque ? Il n’est qu’à voir le peu d’écho que le présent rapport a eu au sein des différents médias. C’est tout juste si quelques-uns auront eu la décence minimale de reprendre la dépêche AFP !
Mais ne nous trompons pas, c’est bien l’humanité qui demeure la cible principale de la catastrophe annoncée. Pour le reste, si nous étions amenés à disparaître, il ne faut pas imaginer que nous entrainerions l’ensemble du vivant avec nous car ce pouvoir ne nous a pas été conféré. Penser le contraire est profondément lié à un raisonnement encore par trop anthropocentrique. Nous sommes notre propre danger, notre unique prédateur outre les règles imposées par la cosmologie.
Notre destin est non seulement entre les mains de nos consciences individuelles, mais plus encore entre celle de la conscience collective que nous nous devons de bâtir.
Ils servent à cela tous ces rapports alarmistes, tous ces travaux scientifiques, ils indiquent avec objectivité ce champ des possibles qui se dessine, que nous dessinons. Ils servent en quelque sorte de méta avertissement qu’il faut à la fois intégrer globalement et que chacun doit aussi décliner individuellement. En outre, l’ensemble de ces travaux indiquent tous la même chose en filigrane, à savoir qu’il faut impérativement réduire l’amplitude du capitalisme avant même de changer totalement la nature de ce modèle bientôt obsolète et désormais parfaitement non viable. L’humain, pour s’être trop réduit à ce qu’il consomme, tel Icare, en vient maintenant à se brûler les ailes. À nos consciences toute, parce qu’il n’y a pas d’autre alternative.
[1] Rapport du Forum humanitaire global
[2] Travaux du Giec
Le changement climatique, La Documentation française
Les controverses
[3] Les pays les plus vulnérables : Bangladesh, Ouganda, Caraïbes, îles du Pacifique…
[4] Carte de la faim dans le monde, FAO.