Le vieillissement de la population est une réalité inévitable aux conséquences multiples. Comment faire face à la vieillesse sans y voir une maladie honteuse?
La population mondiale vieillit. Les plus de 60 ans, qui représentaient le douzième de l'humanité en 1950, et le dixième en 2000, en formeront le quart en 2050. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. D'une part, on observe un accroissement sans précédent de la longévité: l'espérance de vie moyenne à la naissance est aujourd'hui de 66 ans, soit une progression de 20 ans depuis 1950, et elle devrait encore augmenter de 10 ans d'ici à 2050. D'autre part, la baisse de la natalité dans les pays développés a créé une pyramide démographique inversée faisant place à une génération nombreuse de «baby-boomers» aux cheveux blancs. L'augmentation spectaculaire de cette tranche d'âge n'est pas sans conséquences.
Dans les pays occidentaux, l'économique, le social et le secteur de la santé devront s'adapter à cette évolution démographique. Les retraites anticipées ne seront plus considérées comme un moyen pour faire place aux jeunes, mais comme un obstacle à la participation des travailleurs plus âgés à la vie active.
Sur le plan de la santé, des questions se posent. Y aura-t-il assez de médecins pour prendre en charge la maladie d'Alzheimer, le diabète, les maladies cardiovasculaires et les autres maladies chroniques qui augmentent sans cesse dans cette population? Les États-Unis estiment que les coûts reliés aux maladies chroniques atteindront 16 trillions de dollars par an d'ici à 2030. Six mille milliards! Mille sabords...
Vieillir en santé?
Peut-on vieillir tout en restant en bonne santé? Certains pensent qu'il faut investir dans la recherche en biologie du vieillissement pour découvrir le remède miracle qui stoppera l'inévitable usure du corps. Certains gouvernements n'hésitent pas à investir dans la recherche afin de sauver des milliards de dollars à long terme.
Plusieurs scientifiques se sont penchés sur le mécanisme des cellules et sur le processus de vieillissement. L'étude des gènes et des télomères a permis de mieux comprendre la transformation de certaines molécules en agents nocifs lorsqu'elles vieillissent. Pourtant on est encore loin de la pilule anti-âge qui continue à faire rêver!
L’éternelle jeunesse existe-t-elle?
La source inépuisable qui procurerait une éternelle jeunesse est un des plus vieux fantasmes de nos civilisations. À travers les siècles, la quête d’un élixir de longévité a suscité des convoitises, des jalousies,provoqué des meurtres et des guerres. Au XXIe siècle, le vieillissement soulève toujours lespassions et génère une industrie milliardaire: le Botox, les seins «siliconés» et la plastie du visage ne reflètent-ils pas la peur de voir les marques de l’âge sur notre corps! Lutter contre ce phénomène naturel était autrefois une lubie de riches qui pouvaient s’acheter du rêve. De nos jours la lutte contre le vieillissement touche toutes les classes de la société.
Le monde scientifique se mobilise: la vieillesse dérange, elle n’est plus la sagesse rassurante, la gardienne de la tradition orale, la voix de la raison, le médiateur entre parents et enfants.
«En ce temps-là, la vieillesse était une dignité ; aujourd’hui, elle est une charge.» disaitdéjà Chateaubriand en son temps.
Vivre plus longtemps, mais en santé. Des têtes blanches, mais actives et productives, pour un monde où ceux qui sont à la traîne sont écartés.
On parle de régénération des cellules, de ralentissement du processus de vieillissement. Sous prétexte de rendre service à la société, le génie génétique fait naître l’espoir d’une vie renouvelée, jeune et saine.
Les pourvoyeurs de fonds, les États même, se bousculent. Qu’importe le prix si la formule tant attenduepermet qu’on puisse enfin vaincre l’usure, la décrépitude, la dégénérescence.
Et pourquoi ne pas changer d’attitude?
Pourquoi l’image de la vieillesse et de la maladie nous hante-elle à ce point? Pourquoi repousser sans cesse le moment où notre corps portera les marques de l'âge? Ne serait-ce pas l’attitude négative que nous avons envers nos aînés? Les maisons de retraite,les centres d’hébergement de longue durée ne sont-ils pas des «mouroirs» où, loin de tous, les personnes âgéesattendent la mort quiles frappe à tour de rôle?
Comment accepter une telle situation, comment accepter de quitter ce monde dans de telles conditions? Comme une maladie honteuse, contagieuse, la vieillesse est isolée, barricadée, jusqu’au jour où un traitement efficace lui permettra d’intégrer le monde des «hommes sains».
Il est un fait que nos styles de vie contribuent largement à une vieillesse malade: tabac, alcool, mauvaise alimentation, pollution usent et détruisent à petit feu ce corps dont l’âge n’est que le symbole des années passées.
Accepter l’évidence ou refuser le processus? Vieillir est aussi une question personnelle. Chaque individu sait au plus profond de lui-même que le cycle de la vie ne peut exclure l'étape du vieillissement!
Le débat se situe ailleurs: quand faut-il accepter d'être considéré comme une personne âgée, quand faut-il refuser l’élixir de longévité, quand faut-il arrêter de camoufler notre corps?
Le plus sage ne serait-il pas de tout simplement de vivre avec son temps?
Bonne journée,
Marie claude
Par Nadine Kabwe, Pédiatre (servicevie.com)