L’Hôtel La Pérouse a été construit en 1993. Il n’était alors pas encore question d’éco-construction. Comment y intégrer mes convictions environnementales, alors que cet hôtel n’avait pas été bâti dans ce but, même si sa conception récente lui offrait, par exemple, le confort du double vitrage dans chaque chambre ? Il était urgent de prendre quelques mesures qui allieraient nos deux principales problématiques, l’optimisation des coûts et la conscience écologique : coupure automatique de l’électricité dans une chambre inoccupée, arrêt du chauffage à l’ouverture d’une fenêtre, installation de mousseurs dans les robinets pour affaiblir et contrôler le débit.
A la suite d’une conférence sur le développement durable, pour laquelle j’ai dû me documenter, la conscience écologique dont devait faire preuve une
entreprise en tant qu’acteur de la société, fut une révélation. Mon objectif : montrer l’exemple au sein de mon entreprise, en apportant la preuve que nous pouvions tous agir, et qu’un petit rien pouvait faire beaucoup. Ma motivation fut déterminante, elle fut tout d’abord économique et éthique, et par la suite, l’idée de se différencier ainsi de la concurrence n’était pas faite pour me déplaire. En effet, cerise sur le gâteau, un établissement prenant en compte les problématiques du développement durable se voit octroyer une image plus engagée, plus militante, et somme toute plus sympathique.
Un hôtel cobaye pour la société Evea
Ayant l’intime conviction que l’on court irrémédiablement vers le chemin de l’écologie, la démographie explosant, le coût des matières premières également, ma démarche ne fut qu’une légère anticipation.
Découvrant les différents labels qui pourraient m’aider à atteindre mon but, j’ai d’abord visé celui de « la clé verte », puis l’éco-label, plus pointilleux et contraignant, mais également à notre portée. Au tout début de cette course aux labels, comme le fruit du hasard, la société Evea qui cherchait un hôtel cobaye pour tester son outil d’évaluation environnementale, a pris contact avec nous. Peu de temps après, Evea calculait notre empreinte écologique (gestion et quantité de nos déchets, consommation d’énergie et d’eau,…) grâce à la méthode « MALICE ».
Le résultat de l’étude nous a donné une bonne vision et surtout des clés pour obtenir l’éco-label. Par la suite, nous avons formé le personnel salarié, en leur proposant un partenariat, plus qu’une liste de contraintes. Ils se sont volontiers prêtés à l’exercice et de ce fait, se sont impliqués dans les changements relatifs à l’obtention de l’éco-label. Les séances de brainstorming leur ont permis de donner leur point de vue et d’exprimer leurs idées. Pour que l’implication soit totale et surtout concrète, nous avons décidé de faire gagnant-gagnant sur les économies réalisées (grâce à la suppression des portions individuelles, meilleurs dosages des produits d’entretien, baisse de la consommation d’énergie, etc.). Les gains seront divisés en deux, une moitié pour l’entreprise, l’autre pour les salariés. La « prime développement durable » est née.
Une centaine de « mesurettes », sans investissement colossal
Nous avons pris en tout, une centaine de « mesurettes », sans investissement colossal. Nous avons agi avec ce que nous avions à portée de main, et nous avons sophistiqué nos installations. Aujourd’hui, nos clients disposent de magazines invendus du mois précédent, qui auraient probablement fini à la poubelle ; notre buffet du petit déjeuner est fourni en produits locaux de saison, parfois bio ou issus du commerce équitable ; nous avons cessé de nous approvisionner en portions individuelles ; et nous avons ainsi divisé notre production de déchets par deux. Dans les salles de bains, aux petites savonnettes autour des baignoires, nous avons préféré installer des distributeurs de savon liquide fabriqué à Nantes, à base d’eau de source et de produits naturels.
Il est un fait qui commence à être avéré : la société de consommation nous pousse très vite à faire les choses à l’envers. En mettant sur le nez, « les lunettes du développement durable », notre vision a évolué, nous avons repris le droit chemin, celui du bon sens.
Notre engagement est sincère et notre motivation reste intacte, mais nous étions en droit de nous demander de quelle façon ces changements allaient être accueillis par les autres acteurs de notre histoire, les clients. De ce fait, nous n’avons jamais rien imposé à notre clientèle. Nous avons préféré, à un discours moralisateur, les vertus de la pédagogie. L’intégralité de notre démarche, ses tenants et ses aboutissants, est expliquée par des plaquettes dans les chambres ou des panneaux dans les ascenseurs et à la réception. Toujours dans l’optique de laisser le choix à nos clients, s’ils désirent changer leur serviette tous les jours ou obtenir des petites savonnettes individuelles, ils peuvent le demander, nous répondrons à leurs attentes.
La route vers l’hôtellerie verte est inéluctable
Nous ne leur imposons pas non plus de normes en ce qui concerne le chauffage dans les chambres, mais nous leur expliquons que 80% de notre énergie (achetée à EDF) est renouvelable et qu’en baissant le chauffage d’un petit degré, on réalise une belle économie. En privilégiant la communication, nous constatons que la clientèle est plutôt « emballée » par la démarche, c’est en tout cas ce qui ressort de nos questionnaires de satisfaction, dans lesquels nous trouvons régulièrement des petits mots d’encouragement.
Tout n’est évidemment pas parfait, nous sommes en constante recherche d’amélioration. Mais notre engagement n’est pas une façade. D’ailleurs le projet s’intensifie, puisqu’à Nantes, le club des hôteliers, dont je fais partie, est en train de mener une action afin que tous les hôtels de Nantes soient « labélisés vert » d’ici à la fin décembre 2010. Il faut bien dire, que pour l’instant, la démarche relève plus du choix que de l’obligation, mais les normes deviennent de toute façon plus contraignantes chaque année. La route vers l’hôtellerie verte est inéluctable. Alors, autant le faire tout de suite, et sans craintes, puisque l’écologie n’est plus synonyme d’inconfort, pour nous, professionnels de l’hôtellerie. La clientèle d’aujourd’hui ne voit plus la démarche environnementale comme une entrave au standing. Ils deviennent des « consom-acteurs ».
Je reste persuadé que l’écologie est une manière de sortir de la crise, c’est une opportunité pour les entreprises, pour la société, et pour l’humanité. Nous sommes en train de vivre un véritable changement d’âge, comme à l’époque du passage entre le moyen âge et la renaissance. Nous vivons une période charnière qui implique une vraie prise de conscience. Il ne faut pas louper le train.
Propos recueillis par Cécile Castellan
Source : cleantechrepublic.com