Les glaçons qui se battent et le plancher qui grince. En un sens, ce serait exactement comme attendre sur le bas-côté d'une autoroute lancée à pleine allure. Poiroter peinard avant que la Grande Faucheuse ne vienne relever les compteurs. Un verre à la main, je suis mon propre confident à distance. Silence radio, je n'ai rien à dire pour ma défense. Je ne tiens même pas à envisager la possibilité de me tromper. Pourtant en un sens, ma jeunesse a en grande partie foutu le camp.
J'ai beau être présentement plein d'une vigueur éblouissante, je sais déjà que je me lèverai demain matin toujours dans ce même lit, que j'attendrai l'heure du repas en fumant mes trois clopes et en m'envoyant une cafetière de café, que j'irai accomplir mon boulot stupide. Et ainsi va la vie, crevez jeunesses La routine que j'ai tant pris soin à fuir durant tant d'année ne va pas tarder à me plaquer au sol pour me foutre les menottes. Et moi j'attends béatement, dans une gêne presque religieuse. Je ne peux parler à personne, car il n'y a que moi qui puisse régler bon nombre de conflits intérieurs.
Il y a sur mon étagère quelques figures de légende, de ceux qui ont su s'absoudre de tant de règles, de tant d'horaires à la noix qu'ils sont parvenus à laisser leur empreinte sur l'Histoire. Et ce tout bonnement parce qu'il leurs a fallu à un moment ou un autre se délester des poids communs à tout à chacun.
J'aimerai savoir le nombre de personnes qui se lèvent le matin en ayant qu'une seule envie: foutre le feu à leur maison et à leur identité tout entière, et ainsi pouvoir envisager autre chose que le paiement des amendes forfaitaires et la baise du vendredi soir. Au fond de moi, j'aspire encore à ce que cela ne soit que foutaises, qu'il y ait un déclic possible ne se soustrayant qu'à une attente encore peu probable. Qu'on se plaigne de moi, je cohabite encore parfaitement avec mes démons.