Grâce à l'enterrement de vie de jeune fille de ma meilleure amie, j'ai enfin connu
ce qu'était un vrai hammam. J'étais déjà allée dans des pseudos hammams d'institut de beauté, mais jamais dans un hammam traditionnel. Donc, là, c'était une véritable découverte.
Au comptoir, on nous remet une petite écuelle bleue, un bouchon de lavabo et un bracelet avec une clé contre une paire de chaussures. (Oui, j'ai du mal à laisser mes chaussures à de parfaits
inconnus, mais bon, comme je suis une grande fille, maintenant, je sais me contrôler). Grâce à mon demi neurone, je comprends que le bracelet avec la clé, c'est pour le vestiaire. (Oui, je sais,
je suis impressionnante d'intelligence). Par contre, l'espèce d'écuelle bleu et le bouchon de lavabo, là, euh... je ne vois pas... La dame est bien au courant qu'on ne vient pas pour faire de la
plomberie, hein ?
Heureusement, l'une d'entre nous connaît déjà les lieux. Essayons de la suivre le plus naturellement possible. Ah, les vestiaires ! Là, je sais ce qu'il faut faire ! Pendant que je me déshabille,
mon regard est attiré par un panneau "Le port du "bas" est obligatoire". Je fais appel à mon second demi-neurone : le port du bas est obligatoire ? Non, évidemment, on n'est pas en train
de parler de collants, là... Mais... Du moment où on doit être en maillot, évidemment que le port du "bas" est obligatoire. "Ah mais non, MC... En plus, c'est un maillot une pièce que tu as
?... Tu devrais plutôt garder ta culotte, uniquement."... Pardon ?... Ca veut dire que nous allons passer l'après-midi à moitié nues toutes ensemble ?... Etrange... Enfin, non, disons
plutôt, inhabituel : je n'ai pas l'habitude de passer des moments à moitié nue avec des amies, mais bon... Heureusement, j'ai eu la bonne idée de mettre un petit shorty, aujourd'hui; j'ai évité
la culotte en dentelle !... Au diable la pudeur !... Et là, je vois que seule celle qui a l'habitude de venir au hammam est à l'aise : elle se balade en culotte, alors que nous 3, nous sommes
plus ou moins planquées sous nos serviettes de bain...
C'est comme ça qu'on se retrouve au milieu d'autres femmes, toutes à moitié nues, comme nous... et qu'on laisse notre pudeur au vestiaire. Et c'est là qu'a commencé notre vrai moment de femmes :
nous avons bouché nos lavabos, et avec la petite écuelle, nous nous sommes versés de l'eau chaude sur le corps. Puis, lavage au savon noir. Hammam. Rinçage. Et là, on s'aperçoit qu'on est aussi
rouge qu'un allemand aurait passé le 14 juillet sur la plage. Oh mon Dieu !... Et on recommence tout depuis le début : savoir noir, hammam, rinçage... pour enfin avoir droit au fameux
gommage...
On a bien fait de laisser notre pudeur au vestiaire parce que le gommage se fait au milieu de la pièce et, forcément, beaucoup de regards sont tournés vers nous. Quand on sent que les premiers
coups de gants, on se dit qu'on va sortir de là en ressemblant à Freddy Krueger : sans un brin de peau. Ce serait dommage qu'on fasse peur aux enfants dans la rue, non ? Ensuite, on a une aimable
pensée compatissante pour Jugnot, dans les bronzés, quand il se fait masser... Et puis, le corps s'habitue. Elle fait le gommage de la racine des cheveux à la pointe des pieds... Mais...
qu'est-ce qu'elle fait, là, la petite dame ? Pourquoi elle me rentre la culotte dans les fesses ?... Mais... Ca ne va pas, non ? Ah ben oui, qui dit gommage de la tête aux pieds, dit aussi
gommage des fesses...
Quand on se relève après le gommage et qu'on voit toutes les peaux mortes qui jonchent sa place, on a l'irrépressible envie de se retourner vers celle qui vient de vous poncer (oui, poncer !)
pour lui dire : "Vous savez, je me lave, hein"... Parce que là, on aurait presque honte de voir tout ce qu'elle a pu enlever... On caresse l'espoir d'avoir au moins perdu 10 kilos grâce
au gommage...
Puis, nous avons changé de salle pour aller vers la salle de détente : pendant que la future mariée se faisait masser à côté de nous, on a papoté, bu du thé à la menthe... Nous avons admiré la
douceur de nos peaux, nous nous sommes échangées des crèmes de beauté, nous nous sommes faits les ongles... et tenu des conversations hautement intellectuelles, comme toujours,
évidemment...
Bref, nous avons eu un vrai moment à nous, et rien que pour nous. Un moment de femmes. Un moment relaxant. Un moment où nous avons pris soin de nous. Un moment de pur bonheur. Vraiment. Et
on recommencera, c'est certain !
Comment ai-je pu passer à côté de ça pendant 33 ans ?