Blog pédagogique et Identité numérique : "Faut-il exiger le véritable nom des auteurs de commentaire ou accepter les pseudos ?" Réponse de Mme Membrey

Publié le 01 juin 2009 par Christelle Membrey-Bezier @chrism

"Bonjour, Je viens faire mon petit tour sur le blog de CICLA 71 et une question me taraude. Faut-il exiger le véritable nom des auteurs de commentaire ou accepter les pseudos ? Magueuledange, c'est rigolo mais quelle est sa place dans la construction de l'identité numérique ? Les copains, le prof savent de qui il s'agit mais pour le lecteur lambda s'agit-il d'un collégien, d'un prof facétieux ? Faut-il signer ses commentaires et se désigner es qualité ? Un bon sujet de discussion ! non ?Jean-Paul Moiraud, Professeur à Lyon."

« Faut-il exiger le véritable nom des auteurs de commentaire ou accepter les pseudonymes » ?

Aucune obligation de ce type ne figure dans notre charte éditoriale. L’observation de nombreux blogs montre que ce choix est extrêmement rare. Nous distinguerons deux types de commentateurs : les élèves participant à ce projet et les lecteurs extérieurs à notre établissement.

Notre équipe de rédacteurs se compose de jeunes gens mineurs, que nous encourageons à signer de leur seul prénom ou à l'aide d'un pseudonyme. Les écrits qui sont publiés ici ont lieu dans un cadre scolaire et hiérarchique, qui limité la spontanéité et qui nous impose pour d'évidentes raisons de prendre encore plus de précautions pour apprendre à notre groupe à gérer les données personnelles qu'il publie. C’est en cela que notre projet éditorial est spécifique et qu’il oriente notre réponse.

Chaque élève adopte, après concertation, la stratégie de son choix … en sachant qu’à tout moment, comme le veut la loi, il peut demander la rectification ou la suppression des donnéesle concernant figurant sur cet espace. Il arrive que certains commentaires restent en attente, jusqu’à ce que professeur et élèves aient pu échanger sur la pertinence de le publier et de le signer de telle ou telle manière.

Ici, certains élèves ont plusieurs identités. D’autres ne veulent pas signer leurs articles, ni même utiliser un pseudonyme. Parce que prendre la parole sur un blog pédagogique, c’est aussi engageant que lever la main en classe et dire : « Eh ! Moi, je sais ! » . Nous respectons ce choix.  Nous le questionnons. Voilà pourquoi nos articles, écrits à plusieurs mains, sont signés systématiquement « Mme Membrey et les élèves du cicla71 » ou portent, selon les cas, la mention explicite de leur auteur.

Nous n'avons pas toujours agi de la sorte. Cette attitude est le fruit de plusieurs années d'observation et d'échanges au sein de notre groupe, y compris avec des élèves l'ayant quitté depuis bien longtemps.


Les commentaires publiés par les élèves de notre groupe sont effectivement connus et valorisés au sein de notre atelier. 

« Les copains, le prof savent de qui il s'agit mais pour le lecteur lambda s'agit-il d'un collégien, d'un prof facétieux ? »

Il n’y a pas de lecteur lambda. Nous n’aimons pas ce terme. Notre projet n’apprécie guère les pitreries, lui qui fut taxé à de multiples reprises, comme non éducatif par certaines âmes, qui, elles, en revanche, n’osèrent jamais laisser un commentaire sur ce blog :-).

A vrai dire, vous posez ici la question de la confiance. Et vous avez certainement raison. Qui suis-je en train de lire ? Quelle pertinence a-t-il pour prendre la parole ? Pour répondre à votre question, sans détours, voici comment nous procédons :

  • Les commentaires publiés sont validés par notre professeur, Mme Membrey
  • Les commentaires et/ou liens  à caractère publicitaire ou problématique ne sont pas publiés
  • Nous avons activé sur ce blog un formulaire type qui demande à celui qui laisse un commentaire de bien vouloir communiquer son adresse électronique, adresse électronique qui demeurera confidentielle ... mais qui nous permet de faire le tri.

·   En cas de doute sur un commentateur, la plate-forme de publication que nous utilisons nous permet d'avoir accès aux adresses I.P et de bannir certains utilisateurs ... ce que nous n'avons eu à faire, en 5 ans, qu'une seule fois.

  • Mme Membrey signe ses commentaires de son nom parce qu’elle l’a décidé et parce que ce travail engage sa responsabilité d’adulte et d’enseignante.
  • Nous vous demandons donc de nous faire confiance et d’accepter certains pseudonymes fantaisistes, certes, mais qui ne nuisent en rien au sérieux et à la passion de notre projet. Oui, sûrement, cela peut surprendre parfois. Et de ne pas oublier que ce blog s'adresse d'abord à nos élèves même s'il a rencontré un public plus large.

Votre question en pose à vrai dire de nombreuses autres.

  • ·   Un blog scolaire public doit-il donner l’identité des jeunes mineurs qui l’écrivent ? C’est techniquement faisable mais est-ce souhaitable ? L’exercice de la gestion des données personnelles, a fortiori pour des mineurs, mérite la prudence. Ce sont les réflexions et écrits de notre groupe de travail que nous souhaitons mettre en valeur … et non pas tant les individus.
  • ·   Donner son identité a-t-il un impact sur l’acte pédagogique ? Oui ! Un élève qui signe un article ou un commentaire prend confiance en lui, quelque soit l’identité prise par ce dernier. De même, un élève qui reçoit un commentaire d’une personne extérieure à l’établissement est souvent plus attentif à ce commentaire qu’à celui de son professeur, phénomène plusieurs fois observé.
  • ·   La compréhension de nos articles sera-t-elle meilleure si l’on connaît l’identité explicite de chacun des élèves ? Nous pensons que non.
  • ·   Le sel d’un projet éditorial, scolaire ou non, se trouve-t-il dans les commentaires ? Les commentaires apportent un éclairage, ils sont une récompense, un enquiquinement, une grande joie, une peur … Ils sont … ou ils ne sont pas. Ils sont attendus, ils sont surprenants. Ils sont une étape … Mais ils ne sont pas à l’origine de notre projet… même s’ils en font partie. Et c’est là toute la spécificité d’un blog pédagogique, qui, à la différence d’autres blogs sur la Toile, ne saurait mesurer sur la Toile son succès aux nombres de commentaires.
  • ·   Pourquoi accepte-t-on ces signatures différentes selon les élèves ? Nous les acceptons pour toutes les raisons énumérées ci-dessus mais aussi parce que cette stratégie - qui n'est pas la seule bien sûr - nous satisfait à plusieurs titres :
  1. elle encourage les élèves à oser écrire des commentaires, à engager le dialogue, à questionner, à partager
  2. elle rassure notre établissement
  3. elle permet de tisser différents degrés de communication
  4. elle est négociée
  5. elle est rétro-active
  6. elle s’inscrit dans le temps
  7. elle ne prétend pas donner de solution miracle en 200 « slides » et huit minutes mais questionner les pratiques
  8. elle constitue une étape dans l’apprentissage de la gestion des données personnelles de chacun, étape cruciale à l’heure où ; fort jeune encore, l’on se cherche et l’on se construit.
  9. elle prend en compte les différentes formes d’expression et de communication sur la Toile
  10. elle n’est jamais séparée d’une éducation à la responsabilité

Notez que ceci est valable pour notre projet pédagogique. L’observation d’espaces de publications scolaires en ligne montre que les réponses sont multiples et différentes selon les enseignants, les pédagogies, les projets et les groupes de travail.

Le blog pédagogique : entre ambition et humilité, des exigences paradoxales … et créatives

Présent sur Internet, il donne à voir une partie de l’iceberg éducatif. Un iceberg dont il faut sans cesse rappeler l’existence. Qu’il faut aussi souvent justifier, questionner et améliorer. La plupart du temps auprès de confrères d’ailleurs. Eux-mêmes souvent questionnés chaque jour dans leurs pratiques.

On oublie trop souvent, en le lisant, que le blog n’est qu’un moment dans une pédagogie. Et qu’il y a tous ces moments que l’on n’écrit pas J. Tous ceux où, par exemple, on observe les publications personnelles des élèves et où on engage le débat sur la gestion des données personnelles. Des moments sur lesquels justement, on n’écrira pas d’articles mais qui seront tout aussi riches d’enseignements.

C’est dommage. Au début, on s’en agace. Comme on s’agaçait lorsque, enseignant débutant, on se « heurtait » à la classe récalcitrante. « Comment se peut-il qu’ILS ne voient pas ? qu’Ils ne comprennent pas ? » On incrimine l’autre, on sent le poids de son absence ou de son regard sur nos épaules.

Puis, au fil du temps, l’on devient plus humble.

L’espace de la classe sur Internet démultiplie les possibilités de rencontrer les curieux, les trublions, les contestataires, les silencieux mais qui n’en pensent pas moins ;-), les faussement timides, les amoureux discrets, les fâchés avec la terre entière, les enthousiastes … et  décuple l'impérieuse nécessité de se questionner aussi en tant qu'enseignant.  Faut-il en avoir peur ?

A vrai dire, non. Etre présent sur Internet, c’est accepter cette dualité, présente au cœur même de l’acte d’enseignement. Cette tentation de la présence, ce désir d’exhaustivité, cette certitude qu’elle est impossible. Cette urgence de l’attente, chez soi, chez son lecteur. Cette incapacité à la satisfaire. Cette tension qui fait que l’on arrête tout … que l’on se fâche, que l’on guette, que l’on revient ! Pour mieux écrire. Pour mieux lire. Pour apprendre. Porté par ce petit bonheur fragile du plaisir de partager, cette cruauté parfois d’être lu, cette compréhension instinctive qu’il faut progresser encore, que rien n’est gagné, que finalement, tout est à refaire 

Jean-Paul … Merci pour votre question ! OUI, merci mille fois !