Vatican SA

Publié le 01 juin 2009 par Jean-Marie Le Ray

En Italie vient d'être publié un livre intitulé Vaticano SpA, où SpA signifie Società per Azioni, qui est la forme statutaire équivalente de la SA, la Société anonyme en France.

Ce livre, écrit par un journaliste, Gianluigi Nuzzi, se base sur les archives gardées secrètes de Monseigneur Renato Dardozzi, soit environ 4 000 documents collectés sur un quart de siècle, tous plus confidentiels les uns que les autres (relevés de compte, fiches d'ouverture de comptes chiffrés avec les signatures déposées, correspondance réservée avec le pape Jean-Paul II et les plus hauts dignitaires de l'époque, de 1974 à la fin des années 90), qu'il a voulu rendre publics après sa mort, "pour que tout le monde puisse savoir ce qui s'est passé", selon ses dispositions testamentaires.

C'est ainsi que l'on découvre, de chapitre en chapitre, les innombrables méfaits de son Excellence Révérendissime Monseigneur Donato De Bonis, Chapelain Grand Croix Conventuel ‘ad honorem’, Prélat de l’Ordre de Malte, décédé le 23 avril 2001, qui a fait ce qu'il a voulu au sein de la Banque du Vatican, l’IOR (l’Institut des Œuvres de Religion), en réussissant pratiquement à créer un IOR parallèle, une banque dans la banque, grâce à laquelle il a pu "gérer", de 1989 à 1993, 17 comptes principaux sur lesquels ont transité presque 300 millions d'euros...

Où l'on comprend que les enseignements de Marcinkus, dont il était le second, n'ont pas été vains, puisqu'il a pu ainsi créer un véritable "paradis fiscal", c'est le cas de dire !

Je peux pas vous raconter dans le détail toutes les opérations (il faudrait traduire le livre dans son intégralité), mais juste vous donner une idée...

La principale activité de De Bonis a constitué à mettre en place un réseau de comptes clandestins, la plupart au nom de fondations charitables inexistantes, dont la principale, intitulée à une soit-disant Fondation Cardinal Francis Spellman, n'était qu'un compte chiffré (n° 001-3-14774-C) avec deux signatures : celle de De Bonis et celle de Giulio Andreotti. De Bonis indiquant dans ses dispositions testamentaires qu'à sa mort le solde du compte devait être mis à la disposition de Giulio Andreotti ... "pour des œuvres de charité et de bienfaisance, à sa discrétion", il va de soi.

C'est ainsi que sur ce compte et d'autres, établis par Carlo Sama, Sergio Cusani et Luigi Bisignani, a transité la presque totalité du plus gros pot-de-vin de tous les temps, la "maxitangente Enimont", surnommée la "madre di tutte le tangenti", ou "mère de toutes les malversations", soit un peu plus de 90 milliards de lires sur un total de 130, près de 0,5 milliard de FF de l'époque...

Dont la plupart ont fini leur course dans les poches de Bettino Craxi, Claudio Martelli, Arnaldo Forlani, Paolo Cirino Pomicino, etc.

Entre parenthèses, à noter que ce dernier, qui fête ses 70 ans cette année, est encore en vogue puisque, après avoir subi une condamnation définitive, il est présent sur les listes européennes de Berlusconi pour le vote de la semaine prochaine, aux cotés de Mastella ! Autant dire entre gens de bonne compagnie...

Et comme quoi en Italie on ne recycle pas que l'argent des pots-de-vin et de la mafia :-)

Je vous passe le détail des différents mouvements, mais j'ai été intrigué par les deux seules opérations que mentionne le livre où les terminaux sont des banques françaises :
  1. un demi milliard de lires arrivent le 19 novembre 1990 de la banque Indosuez, référence "cop.ns.tlx dir. dd 6.11.91 Ad Meliora"
  2. un virement d'un million de FF destiné à Eva Sereny, sur le compte n° 751032-C ouvert par le IOR dans une agence du Crédit Lyonnais (rue du 4 septembre)
En précisant que sur le document correspondant, Monseigneur Dardozzi avait indiqué "P. Giulio", qui correspond au nom de baptême d'Andreotti.

N'ayant jamais entendu parler d'Eva Sereny avant aujourd'hui, j'ai fait quelques recherches sur Internet : photographe britannique très connue dès les années 70, ayant vécu à Rome, où elle a photographié Romy Schneider, notamment, elle a porté à l'écran un roman de Philippe Labro, L'étudiant étranger, adaptation cinématographique distribuée par Pathé et coproduite en 1994 par Silvio Berlusconi, Tarak Ben Ammar et Peter Hoffman.

Je n'ai pas d'autres renseignements. Mystère, mystère.

Le livre se termine sur un chapitre dédié au recyclage de l'argent de la mafia, quelques pages qui feraient une excellente introduction à une histoire ... encore à écrire !



Jean-Marie Le Ray
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P.S. Pour celles et ceux qui comprennent l'italien :



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