Et hier fut un de ces jours-là. Le Dr George Tiller, un médecin qui acceptait de pratiquer des avortements y compris tardivement en cas de viol ou de malformations graves, a été assassiné par arme à feu dans la ville du Kansas où il vivait. Et par dessus le marché ça c'est passé dimanche...à l'église. Sa femme était dans la chorale. Quatre enfants et 10 petits-enfants lui survivent également. On imagine difficilement leur peine.
Une règle contre ça, c'est justement le genre de chose qu'il faudrait mettre dans des règles dont on voudrait vraiment qu'elles guident notre existence: 'tu n'assassineras pas pour tes idées'. Voilà que les violences autour de l'avortement aux États-Unis, dont on pensait qu'elles avaient touché le fond dans les années 90, redémarrent. Ou plutôt non: espérons que cet événement restera cette fois isolé. Car ce meurtre, et les réactions qui l'entourent, nous montrent une des faces sombres des États-Unis. Des opposants proéminents à l'avortement se sont joints à tous ceux qui condamnent le meurtrier, oui, mais (et attention, ces deux liens ont du contenu mentalement toxique) d'autres se sont réjoui de manière crasse, et une violence verbale terrible précédait depuis longtemps le coup de feu. Ce n'était pas non plus la première fois que le Dr Tiller était attaqué. Une bombe avait explosé dans sa clinique en 1986, et il avait été blessé par balles en 1993. Sa clinique venait d'être à nouveau vandalisée le mois dernier. Ces actes de violence ont été décrits comme 'une forme efficace de terrorisme' par des commentateurs américains.
C'est tragique et choquant. Mais rappelons-nous que chaque année, 19 millions de femmes risquent des blessures sévères, la maladie ou la mort du fait d'avortements réalisés par des personnes non qualifiées, ou dans des conditions insalubres. C'est un des résultats de la criminalisation de l'avortement. Près de 70'000 de ces femmes meurent chaque année. Une toutes les 8 minutes, environ. Le Dr Tiller était un homme très éduqué qui vivait dans un pays riche. 96% des victimes d'avortements de rue sont des femmes pauvres, et la plupart vivent dans des pays pauvres. Si nous étions aussi choqués par la mort de ces victimes-là, de celles que justement il cherchait à aider, que par la sienne, son travail aurait été moins solitaire. Et sans doute du coup moins dangereux. C'est peut-être le moment d'apporter du soutien à des associations comme Medical Students for Choice, qui se forment pour devenir la prochaine génération de médecins acceptant de pratiquer des avortements dans des conditions sûres aux États-Unis, à une autre organisation américaine du même style, où à la International Planned Parenthood Federation, qui œuvre sur le plan international. C'est peut-être aussi le moment de revisiter l'idée de surveiller les effets des églises sur la santé...