T. D., enseignant, a préféré garder l’anonymat. Il témoigne des violences en milieu scolaire et en donne les causes véritables.
SOS Éducation : Depuis combien de temps enseignez-vous ?
T. D. : Cela fait 5 ans que j’enseigne, sans compter mon année de stagiaire IUFM.
S. É. : Quelles sont vos disciplines ?
T. D. : J’enseigne le français et l’histoire-géographie.
S. É. : Dans quel type d’établissement enseignez-vous ?
T. D. : En lycée professionnel difficile. C’est un lycée polyvalent classé en ZEP. Le lycée général et technologique est en plus classé « zone sensible », et le lycée professionnel est classé « zone de prévention de la violence ».
S. É. : Quel bilan tirez-vous de votre expérience jusqu’ici ?
T. D. : On arrive bercé d’illusion, pensant qu’avec nous ce sera différent, qu’avec notre fougue, notre envie, notre psychologie… on arrivera à faire changer les choses et à permettre à de très nombreux élèves d’adorer les études. Néanmoins, nos rêves doivent vite laisser place à la réalité. D’une part, on ne peut pas forcer à boire un cheval qui ne le souhaite pas, et d’autre part, le système scolaire est tellement perverti de l’intérieur que tant qu’il ne sera pas modifié en profondeur, les problèmes subsisteront et continueront de s’accroître.
Je note qu’une minorité d’élèves – et j’insiste sur le fait qu’ils sont peu nombreux – parviennent à tirer leur épingle du jeu et à demeurer sérieux dans cet océan de médiocrité et de fainéantise. C’est pour eux qu’on a envie de travailler, tandis que les autres ont un long poil dans la main et semblent se satisfaire de leur situation sociale, et ce alors qu’ils devraient avoir « les crocs » plus que quiconque pour s’en sortir.
S. É. : Quels sont les principaux maux de l’Education nationale ?
T. D. : La démagogie et le laxisme, sans aucun doute possible.
S. É. : Comment inculquer la discipline aux enfants ?
T. D. : L’apprentissage de la discipline passe avant tout par la conscience que l’impunité n’existe pas et que tout acte déviant, du plus minime au plus grave, sera réprimé fermement, et ce dès le plus jeune âge.
S. É. : Que pensez-vous des propositions de Xavier Darcos de mettre des portiques à l’entrée des établissements, de procéder à des fouilles corporelles et de créer une police spéciale pour les écoles ?
T. D. : Les portiques et les fouilles, c’est du n’importe quoi. Il est tellement facile de faire passer une arme au-dessus de l’enceinte d’un établissement pour ensuite la récupérer derrière… C’est même dingue qu’ils aient des idées pareilles.
Pour ce qui est de la police spéciale pour les écoles, j’attends encore de connaître toutes les modalités du projet pour m’exprimer. Je ne suis pas forcément contre, surtout quand je vois qu’en une semaine j’ai une collègue surveillante qui a été violentée à l’entrée du lycée par un inconnu, et une élève passée au taser au sein même de l’établissement.
S. É. : Quel est votre avis sur l’idée selon laquelle la violence à l’école serait avant tout une question de moyens ?
T. D. : Non, c’est n’importe quoi, n’importe quoi, vraiment. Ce sont les méthodes et ceux qui les appliquent qui ne vont pas.
S. É. : Quel pensez-vous de l’éventualité de sanctions financières pour les parents d’élèves absentéistes ?
T. D. : L’absentéisme est l’un des fléaux de l’Éducation nationale. Pour moi, c’est comme la sécurité routière : il faut attaquer là où cela fait mal si l’on veut obtenir des résultats efficaces, à savoir le porte-monnaie. Il y a trop de laissez-aller de la part des parents – et que dire du laxisme du système éducatif ! Ils sont les premiers responsables. Et qu’on cesse de toujours leur trouver des excuses, certains n’ont jamais assumé leurs responsabilités et se moquent des études de leurs enfants. Pour preuve, la grande majorité d’entre eux n’assiste même pas aux réunions parents-professeurs. Il est certain qu’avec des sanctions financières, le taux d’absentéisme chuterait rapidement. Les parents seraient enfin mis face à leurs responsabilités. À partir du moment où l’on est hors-la-loi (scolarisation des enfants obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans), il faut accepter d’en assumer les conséquences. Actuellement, le système éducatif fait preuve d’un immense laxisme et les élèves le savent bien – tout comme les parents d’ailleurs. Cela ne sert en effet à rien de faire des lois si l’on ne se donne pas les moyens de les appliquer. Les fameux « avertissements solennels », « signalements à l’inspection académique », ne sont que des formules ronflantes qui n’aboutissent jamais à rien. Là encore, c’est le laxisme et le manque de courage de l’institution qui font défaut. Mais peut-être ne faut-il pas trop secouer les parents des élèves absentéistes, ce sont des électeurs après tout (normalement, s’ils se déplacent là encore) !