L’apport d’une entreprise individuelle à une société n’est pas une sinécure. Ceux qui concrétisent cette démarche se plaignent :
♦ de la difficulté pratique de connaitre avec exactitude la valeur des éléments d’actif et de passif inclus dans la branche complète d’activité apportée à la date effective de l’apport,
♦ de l’obligation de principe de faire intervenir préalablement à l’opération un commissaire aux apports dans l’hypothèse d’apports en nature à des sociétés de capitaux,
♦ de l’obligation d’enregistrer l’acte dans le délai d’un mois de sa date de réalisation.
Compte tenu de tout ceci, les praticiens ont développé une technique, dont je peux dire que j’ai moi-même usé, qui consiste à prévoir dans l’acte deux dates : une date de réalisation de l’apport et une date d’entrée en jouissance antérieure avec un effet fiscal rétroactif de l’apport à la date de l’entrée en jouissance, par analogie avec ce qui se fait dans les fusions, les scissions et les apports partiels d’actifs entre sociétés.
Il semblerait que cette technique qui ne posait pas de souci particulier jusqu’à présent, malgré l’inexistence de dispositions légales permettant de conférer une effet fiscal rétroactif à ce type d’opération, soit remise en cause par certains services fiscaux.
Faute de position officielle, les uns - les purs et durs - rejettent, en l’absence de base légale ou de doctrine opposable, toute clause dans l’acte d’apport stipulant un effet rétroactif. Les autres considèrent que le fait générateur de la cessation d’activité de l’entrepreneur individuel a eu lieu à la date d’entrée en jouissance prévue dans l’acte.
A une demande d’éclaircissements qui vise, notamment, à savoir s’il sera admis et sous quelles conditions d’octroyer un effet rétroactif à une opération d’apport d’une entreprise individuelle à une société, l’Administration fiscale saisie (rép. min. Zimmerman, n° 23790, JO AN 5 mai 2009) rappelle que cette opération entraine, en principe, la taxation des immédiate des plus values constatées à l’occasion de la réalisation de l’apport sous réserve des dispositions de l’article 151 octiès du code général des impôts qui permettent sous certaines conditions et sur option du contribuable, d’éviter l’imposition immédiate des plus values constatées du fait de l’apport en société.
Elle ajoute que, quel que soit le régime sous lequel se place l’opération, la date de réalisation de la plus value s’entend de la date à laquelle l’opération d’apport a été réalisée d’un point de vue juridique, indépendamment de la date d’effet qui a pu lui être donnée par les parties.
En clair, la date d’entrée en jouissance compte “pour du beurre”, seule importe la date de réalisation de l’apport.
Quant à l’effet fiscal rétroactif, dés lors qu’aucune disposition fiscale ne le prévoit, il n’est pas admis sachant qu’en tout état de cause l’apport ne peut être réalisé qu’à compter de la date à laquelle la société “réceptrice” a été effectivement constituée, c’est à dire immatriculée au registre du commerce et des sociétés car le code de commerce prévoit que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale, c’est à dire ont une identité comme vous et moi, qu’à compter de la date de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
Sur cette question, voila donc une position officielle maintenant claire et connue qui va entrainer d’inévitables changements ne serait-ce que dans la rédaction des contrats…