Une nouvelle fois, pas beaucoup de temps, ni pour bloguer, ni pour le reste, c’est que j’ai répondu dans un mail, qui s’inquiétait de mon absence de réaction, discussion avec un des fondateurs de la revue Criticat. Et finalement, je me permets de reprendre et compléter la réponse que j’ai faite.
Bonjour V., désolé de ne pas vous avoir répondu plus rapidement. J’ai bien reçu le premier mail et je voulais y répondre après réflexion. Mais je dois avouer que je suis très pris en ce moment, en particulier d’un point de vue professionnel mais aussi familial (voir les notes sur ma mère) ce qui me laisse peut de temps et de pensée libre, comme le montre le ralentissement des notes sur Paris est sa banlieue ;-)
Beaucoup de choses ont été écrites en effet sur le Grand-Paris après le discours de Sarkozy et l’ouverture de l’exposition sur les propositions des dix cabinets d’architectes, du bon, du moins bon et du pas bon, mais je reste sur ma faim. J’ai plutôt apprécié le travail des dix équipes, au moins il y a une réflexion qui va un petit peu plus loin que les quelques photos de tours parues à gauche ou à droite ou encore l’incontournable vue de nuit d’une improbable métropole Paris-Rouen-LeHavre.
Pour autant, je ressens une grande insatisfaction et une impression d’inachevé. Bref, que ce soit du côté des architectes ou des politiques, il y a toujours quelque chose qui me manque : la Ville au sens de communauté d’habitants. Désormais on nous montre d’un côté la ville des urbanistes et de l’autre la ville des politiques qui essaient peu ou prou de s’approprier celle des premiers, mais pas la ville des (grand-)parisiens. Et aussi je trouve cette ville parfois théorique, planifiée et rectifiée, mais aussi académique, toujours belle, comme ces esquisses de rues de banlieues avec pavillons dépareillés et fils électriques, métamorphosées en rue de lotissements de “maisons d’architectes”, sans fils mais avec arbres. Le “beau” en banlieue non pas pour ses habitants, mais pour que la banlieue ne scandalise plus ceux qui la regardent de l’extérieur. Je caricature un peu, mais il y a là quelque chose qui me dérange. Une ville conçue comme un décor acceptable ou plus, mais pas une ville conçue dans sa fonction sociale et vivante, et les discours sur la sécurité de Sarkozy et consorts, campagne électorale oblige, ne font que renforcer mon sentiment de malaise aujourd’hui. On parle de supermarché de la drogue à La Courneuve*. Soit. Mais alors, il faudrait parler des consommateurs de la drogue de ce supermarché, et voir la relation dynamique entre la ville et la banlieue, et les fonctions de chacun dans cet équilibre : l’économie souterraine fait vivre du monde en banlieue, mais qui la finance, d’où vient l’argent, qui consomme quoi ? la banlieue, les cités, ou les beautiful people qui refusent de voir la ville telle qu’elle est mais voudraient tellement faire disparaître les fils des rues pavillonnaires et remplacer les maisons de meulière par des maisons d’architecte ?
Bref, je ne sais pas ou plus comment aborder le Grand-Paris, c’est peut-être aussi pour cela que je ralentis la cadence ? J’ai l’impression que le débat m’échappe, et presque qu’il ne m’intéresse plus. Fin d’un vain combat ;-)
Cordialement,
jpc/parisbanlieue
Et puis j’aurais pu ajouter ceci,
Dans dix jours, Paris-Métropole verra officiellement le jour à Clichy-sous-bois, joli symbole diront les uns, symbole un peu trop facile, comme si ouvrir Paris-Métropole à Clichy-sous-bois allait changer quelque chose au quotidien de ses habitants. Et quitte à faire du symbole, c’est peut-être à Neuilly-sur-Seine que j’aurais aimé voir baptisé ce Paris-Métropole, dans un Neuilly que David Martinon alors candidat UMP aux municipales qualifiait fin 2007 d’ « écrin unique en France, qui reste à l’abri des dérives de l’agglomération parisienne » quand le nouveau maire Jean-Christophe Martinon dont “la tête est mise à prix” selon un élu UMP cité par le JDD, Jean-Christophe Fromentin revendique aujourd’hui la candidature à la vice-présidence de Paris-Métropole après avoir fait de Neuilly la bourgeoise une des première adhérentes du syndicat mixte alors que les élus UMP du 92 continuent à monnayer leur éventuelle adhésion ;-) Et j’y aurais invité les jeunes de Clichy et de Montfermeil, ceux de Villiers ou encore de Grigny à assister à Neuilly, ville (entr)ouverte, aux premiers balbutiements d’un Grand-Paris, même si le syndicat mixte Paris-Métropole reste une construction à l’ambition et surtout aux moyens bien trop limités, mais dont il faut tout de même saluer la naissance et lui souhaiter de faire avancer (si lentement pourtant) la construction d’un Grand-Paris solidaire et démocratique.
* Avant de conclure, pour revenir à l’expression supermarché de la drogue à propos de La Courneuve, je conseille la lecture de la tribune que la sociologue Marie-Hélène Bacqué et l’ancien chef de bande Lamence Madzou publient dans le Monde de ce week-end. Loin d’adopter une attitude d’angélisme ou de déni des trafics et de la violence, dont je cite les deux derniers paragraphes.
“Tout cela est, bien sûr, inquiétant, mais dessine une image beaucoup moins simpliste des rapports entre “jeunes des bandes” et “bizness” que celle que nous présente le discours officiel. A l’évidence, les enjeux sont ailleurs que dans ces quartiers populaires qui ne sont que l’un des points d’arrivée de trafics structurés. Il en est de même d’autres trafics organisés, comme ceux des voitures par exemple.
Il existe bien un danger de restructuration de trafics plus localisés mais contre lequel le fichage des jeunes et les mesures répressives sont pour le moins inefficaces. La société française n’est pas menacée par une horde de tribus ; elle met par contre en danger sa jeunesse et son avenir en restant impuissante face à l’industrie des stupéfiants, mais en tapant sur ceux qui en sont les premières victimes, sans pour autant leur offrir de perspectives sociales. “
Jean-Paul Chapon