Magazine Beaux Arts

De Bruxelles à Montrouge

Publié le 31 mai 2009 par Marc Lenot

2009-04-lfda-bruxelles010.1243614957.JPGParmi les expositions vues depuis un mois, mais dont je n’ai pas trouvé le temps de parler, je ne vous dirai pas grand chose d’Art Brussels, foire un peu tristounette et vue au pas de course. J’y ai surtout retenu une très belle et spectaculaire installation de Katia Bourdarel sur le stand de La Bank, Petit frère, avec des mannequins aux têtes de biche en robes féériques : hybridité inquiétante, animalité fascinante (avec le rouge d’une tache de sang sur la robe blanche au sol) que, j’espère, nous reverrons au Musée de la Chasse ou ailleurs. Ajoutons les expérimentations vidéo d’Edith Dekyndt (hélas manquées à Paris aux Filles du Calvaire) et, à la galerie barcelonaise Senda, les vues photographiques troublées d’Anna Malagrida à Amman (Vistas veladas; aussi manquée chez RX), deux beaux travaux sur la vision et le réel. Aux antipodes, Comfort #7,  une installation de Sabina Lang et Daniel Baumann faite de structures gonflables transparentes suspendues, qui aurait un certain intérêt plastique, structurant un espace, si le cartel ne nous apprenait pas que l’oeuvre est financée par la banque ING car elle reflète leur mode de relation avec leurs clients : transparent, direct, flexible. Pitié !

Lors du même voyage, en Flandre, d’abord un beau spectacle chorégraphique de Vanessa Le Mat et Katia Feltrin, My Deer (Massacres) à De Singel à Anvers (spectacle revu au Musée de la Chasse - encore - pour la Nuit des musées).

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Et aussi, au SMAK à Gand, la rétrospective Dara Birnbaum (jusqu’au 2 août) : The dark matter of media light, un travail complexe sur la vidéo, non point tant sur leur matière et leurs sujets que sur le dispositif de monstration des vidéos et la manière dont le spectateur s’y engage : taille, disposition et nombre des écrans, interférences des sons, création d’espaces visuels. C’est impressionnant d’intelligence et de virtuosité, mais on reste à distance, trop conscient du dispositif pour accepter de s’y laisser prendre, et surtout pas charmer.

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Je m’en veux de n’avoir pas, cette année, passé assez de temps au Salon de Montrouge, devant me contenter d’une visite au vernissage (et de n’avoir pas du tout vu l’espace dédié à la Villa Arson). Comme toujours, j’en ressors avec une liste de noms sur mon carnet, noms à ne pas oublier. Certes le côté brouillon d’Arnaud Labelle-Rojoux, invité d’honneur, me rebuterait plutôt, mais il y a bien des talents à découvrir dans ce nouvel espace, à condition de traiter les aphorismes de Nicolas Bourriaud comme cette petite araignée qui y baguenaude avec négligence.

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Guillaume Viaud erre dans les jardins de Monet à Giverny avec, sur le dos, un cube recouvert de miroirs. Ces nymphéas qui ont marqué la fin de la peinture figurative, qui ont aboli le cadre et la ligne, se retrouvent maintenant appelés à attaquer le cube minimaliste : l’image se fond, se brouille, se dilue et l’artiste-vitrier, en déambulant, réinvente l’image en mouvement (Walking Piece, 2008).

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Perrine Lacroix explore l’absence, l’empreinte, le reste, la trace, ce qui subsiste dans la forme de nos draps après une nuit de cauchemars ou d’amour, ou peut-être après que l’âme ait quitté le corps. Voyeuse filmant en contre-plongée sous une dalle de verre les passants qui l’arpentent, elle ne laisse apparaître que les semelles de leurs chaussures : le reste du corps s’estompe, se floute, disparaît, nous ne sommes que l’empreinte de nos pas, cela seul témoignera de notre passage en ce monde, de même que seule la forme de nos draps vides dira que nous avons vécu, que nous avons aimé (Pas perdus, 2004).

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Quant au Colombien Ivan Argote, c’est un pirate urbain qui, philanthrope, donne des pièces jaunes aux passagers du métro (lesquels refusent) et, vandale, tague les Mondrian de Pompidou (Retouche, 2008): certes, ils sont sous verre, mais la ligne noire et sinueuse du tag sauvage se confronte à la rigueur orthogonale et colorée du tableau. Ce rebelle absurde est un héritier de Dada pimenté d’une épice sud-américaine qui ne pousse pas dans nos contrées.

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Enfin, la Coréenne Jin Lee habite pendant 24 heures à l’intérieur du corps d’une truie qu’elle a reconstitué, forme blanchâtre et flasque ainsi déposée au sol, vide. Le pénétrant, se l’appropriant, s’y englobant, elle y dessine pendant des heures, donnant naissance à des dessins de fine dentelle, comme dans un simulacre de parturition (Haru (un jour), 2008).

Pour ceux-ci et quelques autres (Boris Chouvellon, Mildred Rambaud, Fabrice Parizy, Élise Sorin, Till Roeskens, Nastia Bolchakova -et aussi là -, Tony Regazzoni - déjà vu à Bordeaux -, Yasmina Benabderrahmane) parmi la centaine d’artistes présents, cela valait la peine d’aller à Montrouge. Demain, où seront-ils ? 

Toutes photos excepté n°4 par l’auteur.


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