Le gameplay ensuite : j’ai rarement vu un jeu action/aventure aussi
fluide et aussi rythmé ; si la bande son n’était pas de qualité, on
aurait pu mettre le Sacre du Printemps de Stravinsky sur l’image, tant
ce jeu déborde d’énergie. C’est d’ailleurs l’un de ses thèmes
sous-jacents ; l’énergie vitale, liée à la nature et aux « esprits »
qui l’habitent. Un thème très japonais. A ce sujet, on peut être
surpris par cet aspect japonisant très affirmé qui rend explicitement
hommage à l’art de l’estampe. Okami est représentatif de cette nouvelle
génération de créateurs japonais qui n’hésitent plus à puiser dans la
tradition picturale et littéraire de leur pays, alors que les
générations précédentes (depuis la défaite de 1945) semblaient jeter
aux oubliettes ce lourd passé synonyme d’échec, pour lui préférer tout
ce qui venait d’Amérique, le meilleur comme le pire ! Mais bon, je
m’égare…
Et c’est là toute la contradiction de ce titre. Cette idée, aussi
géniale soit-elle, était une idée de gameplay qui semblait faite sur mesure pour la
Wii. On joue à Okami sur PS2 et on s’imagine la Wiimote à la main en
train de faire la même chose ! Le rapprochement est immédiat. Ce qui
relève parfois de l’exploit (essayez donc de dessiner des formes même
simples avec un joystick) aurait pu être évident et encore plus puissant sur la Wii !
Ce jeu met ainsi une sacrée baffe, par plateforme interposée, à son
homologue Zelda. Bien que le second soit un jeu également excellent, on
se dit que finalement les créateurs d'Okami ont réussi sur la PS2 ce que Nintendo n’a
pas totalement réussi avec Zelda : créer un gameplay véritablement
innovant et complètement spécifique à la Wii. Décidément, la transition entre
anciennes et nouvelles consoles nous réserve de drôles de surprises.
Ironie de l’histoire, on vient d’apprendre que Clover, le studio à qui
l’on doit Okami et Killer 7 va fermer en mars prochain. Comme quoi
hélas, l’originalité n’est pas toujours synonyme de rentabilité dans
cette industrie adolescente. Okami n’aura sans doute pas de suite.
Conçu pour la PS2, il restera comme l’un de ses derniers grands jeux. En tous cas, il offre à la vieille console le luxe de pouvoir lancer à sa jeune et fougueuse concurrente, dans un
dernier sursaut d’orgueil : « Voilà la Voie ! »