Le meilleur de la Wii est en ce moment sur PS2 !

Publié le 12 février 2007 par Eric Viennot

Depuis l’E3 où on l’avait découvert, Okami était très attendu. Pour une raison simple : les partis pris graphiques originaux sont rares dans le monde du jeu vidéo, paradoxalement très conservateur dans certains domaines. A ce sujet, comme pour tout le reste, Okami ne déçoit pas notre attente. C’est un jeu éblouissant à tous points de vue. Le graphisme d’abord : c’est bien sûr ce qui saute immédiatement aux yeux quand on découvre Okami. Reprenant le traitement du cel shading de jeux comme XIII ou Wind Waker, il magnifie le procédé grâce à un déluge d’effets spéciaux.  C’est une véritable explosion de couleurs et de formes animées, une sorte de tableau coloré vivant et interactif. Les jeux où l’on se surprend à se regarder jouer, tant l’image est belle ou étonnante, sont peu nombreux : Okami fait partie de ceux-là. Jamais, peut-être depuis Myst, un jeu n'avait su magnifier avec autant de subtilité les paysages.

Le gameplay ensuite : j’ai rarement vu un jeu action/aventure aussi fluide et aussi rythmé ; si la bande son n’était pas de qualité, on aurait pu mettre le Sacre du Printemps de Stravinsky sur l’image, tant ce jeu déborde d’énergie. C’est d’ailleurs l’un de ses thèmes sous-jacents ; l’énergie vitale, liée à la nature et aux « esprits » qui l’habitent. Un thème très japonais. A ce sujet, on peut être surpris par cet aspect japonisant très affirmé qui rend explicitement hommage à l’art de l’estampe. Okami est représentatif de cette nouvelle génération de créateurs japonais qui n’hésitent plus à puiser dans la tradition picturale et littéraire de leur pays, alors que les générations précédentes (depuis la défaite de 1945) semblaient jeter aux oubliettes ce lourd passé synonyme d’échec, pour lui préférer tout ce qui venait d’Amérique, le meilleur comme le pire ! Mais bon, je m’égare…
La grande originalité d’Okami c’est ce fameux « Pinceau céleste » qui consiste à figer l’action en une image bidimensionnelle sur laquelle il est possible de peindre pour accomplir des figures « magiques » : compléter une forme pour lui redonner vie, ajouter un pont pour rejoindre un endroit inaccessible, tracer un soleil pour faire venir le jour, un trait horizontal pour briser un adversaire ou couper un rocher en deux pour ouvrir un passage, etc… Le genre d’idée qui parait évidente une fois qu’on la découvre et dont on se dit quand on est gamedesigner :  « Génial ! Mais pourquoi c’est pas moi qui l’ai eue ? ».
Et c’est là toute la contradiction de ce titre. Cette idée, aussi géniale soit-elle, était une idée de gameplay qui semblait faite sur mesure pour la Wii. On joue à Okami sur PS2 et on s’imagine la Wiimote à la main en train de faire la même chose ! Le rapprochement est immédiat. Ce qui relève parfois de l’exploit (essayez donc de dessiner des formes même simples avec un joystick) aurait pu être évident et encore plus puissant sur la Wii ! Ce jeu met ainsi une sacrée baffe, par plateforme interposée, à son homologue Zelda. Bien que le second soit un jeu également excellent, on se dit que finalement les créateurs d'Okami ont réussi sur la PS2 ce que Nintendo n’a pas totalement réussi avec Zelda : créer un gameplay véritablement innovant et complètement spécifique à la Wii. Décidément, la transition entre anciennes et nouvelles consoles nous réserve de drôles de surprises. Ironie de l’histoire, on vient d’apprendre que Clover, le studio à qui l’on doit Okami et Killer 7 va fermer en mars prochain. Comme quoi hélas, l’originalité n’est pas toujours synonyme de rentabilité dans cette industrie adolescente. Okami n’aura sans doute pas de suite. Conçu pour la PS2, il restera comme l’un de ses derniers grands jeux. En tous cas, il offre à la vieille console le luxe de pouvoir lancer à sa jeune et fougueuse concurrente, dans un dernier sursaut d’orgueil : «  Voilà la Voie ! »