Littérature égyptienne (25) : dialogue du désespéré avec son bâ

Publié le 30 mai 2009 par Rl1948


   Poursuivant avec vous, ami lecteur, ce que maintenant j'ai entamé depuis deux samedis consécutifs, à savoir : la découverte d'un important pan de la littérature égyptienne, pessimiste, inhérente à l'effondrement de l'Ancien Empire sur lequel je ne vous ferai évidemment pas l'injure d'encore vous rappeler les tenants et les aboutissants, je voudrais aujourd'hui, après les Lamentations d'Ipou-Our du 16 mai et un des Chants du harpiste aveugle, du 23, vous donner à lire une ode que, traditionnellement, les égyptologues appellent le Dialogue du Désespéré avec son Bâ (ou "avec son âme" - "mit seiner Seele", comme le traduisent les philologues allemands) et qui, à mes yeux à tout le moins, constitue toujours, et ce, malgré les 4000 ans qui nous en séparent, un remarquable éloge de la mort qui, seule, peut nous délivrer.
   L' "alternative", oserais-je écrire, à cette mort inéluctable pour tous, et tant souhaitée par l'Egyptien de cette époque de troubles et d'exactions, étant encore assurément l'envie de connaître la jouissance immédiate qui peut se traduire par le "Carpe diem" cher à Horace et qui transparaissait déjà dans ce très beau chant du harpiste de samedi dernier, et dont vous retrouverez également l'écho dans le poème que je vous présenterai le 6 juin prochain ...
   Mais pour l'heure, découvrons ensemble, voulez-vous, les stances de ce poignant "Dialogue du Désespéré ..."
 
La mort est aujourd'hui devant moi
comme la guérison devant un malade,
comme la première sortie après une maladie.

La mort est aujourd'hui devant moi
comme le parfum de la myrrhe,
comme lorsqu'on est sous la voile, par grand vent.

La mort est aujourd'hui devant moi
comme le parfum du lotus
comme lorsqu'on se tient sur la rive de l'ivresse.

La mort est aujourd'hui devant moi
comme un chemin connu
comme lorsqu'un homme revient de guerre vers sa maison.

La mort est aujourd'hui devant moi
comme un ciel qui se dévoile
comme lorsqu'un homme découvre ce qu'il ignorait ...


(Traduction : Claire Lalouette : 1981, 33)