Luxure, luxure, quand tu nous tiens, quand tu nous
hantes… c'est ce qu'auraient pu se dire cette année les visiteurs de Lire en mai, le salon du livre de Nyons.
Les organisateurs ont été fidèles à leur image : accueillants, chaleureux, prévenants. L'esprit familial qui règne au sein de l'équipe — enfin, c'est ce qui en ressort — est confirmé par la
présence constante des bénévoles d'une année sur l'autre. Reconnaître leur visage souriant en profitant du petit café/croissant d'accueil est un plaisir attendu, presque espéré dès qu'on prend la
route pour se rendre au salon.
Un clin d'œil à Sébastien (et son père,
patissier et marchand de glaces) que nous avons taquiné deux jours durant. J'espère que les autres bénévoles que nous adorons aussi n'en prendront pas ombrage, je suis incapable de me souvenir de
plus de deux prénoms à la fois…
La touche raffinée de fleurs de genêts et rameau d'olivier sur les tables ont parachevé le tableau. Prêts, fins prêts, auteurs et éditeurs invités pouvaient se mettre au diapason, et présenter
leurs ouvrages au public du jeudi matin, partagé entre feuilles de laitue et pages de roman, puisque le marché s'était installé, comme à son habitude, sur la place du village.
Non, le gingembre n'ensorcelait pas le passant, les roses n'exhalaient un parfum de débauche, aucune jeune femme envoûtante ne s'était cachée derrière une arcade pour tenter les hommes de passage…
Non, pour sentir le vent de luxure, il fallait se rendre dans les lieux propices où des textes parfois sulfureux avaient pris rendez-vous avec les passionnés, les aventuriers du mot, les téméraires
du texte.
Chaque année, un péché capital est soumis au visiteur, à moins que ce ne soit le visiteur qui ne s'y soumette, allez savoir? Mais, comment résister à l'invitation de la luxure?
Côté salon, les arcades résonnaient de mille
voix, celles des visiteurs, dont de nombreux habitués, retrouvant tel auteur de l'an passé ou celui d'avant, avec un nouveau titre. Lecteur séduit, il ne lui fallait pas longtemps pour demander la
dédicace et repartir, roman sous le bras, rêvant de lecture, heures solitaires dans un nouvel univers.
Le jeudi, le repas pris en groupe possèdait l'avantage de la rencontre et du partage entre auteurs à l'ombre des platanes. S'il fallait une note, non pas fausse, mais plutôt en bémol, ce serait
celle du menu servi, qui avait pour mérite malgré tout, de rappeler les cantines d'antan.
De retour le samedi, la foule se fit plus rare,
mais le contact avec les lecteurs toujours aussi enrichissant. La note en dièse fut la présence d'Atiq Rahimi, accompagné de son fidèle petit chapeau et de son écharpe, reconnaissable à sa
fine moustache, son regard afghan perçant et son sourire accueillant. Auteur de Syngué sabour (La pierre de patience, prix Goncourt), Le Retour imaginaire, Les mille maisons du rêve et de la
terreur et de Terre et cendres, il a, d'après les auditeurs, animé une conférence empreinte de chaleur et de simplicité, loin des fards de la remise du Prix Goncourt dans les salons parisiens.
Mais je ne saurais faire de l'ombre aux autres intervenants moins célèbres mais tout aussi captivants. Difficile de parler de tous, surtout qu'en tant qu'auteur invité, je me devais de rester à ma
place pour dédicacer mes deux romans, "Toca Leòn!" qui jouit d'un lectorat solide et de "La grande Borie" qui ne demande qu'à s'en faire un puisqu'il vient de sortir.
Deux jours à Nyons, à peine le temps de se dire
bonjour et au revoir, repartir avec un cadeau de l'amitié, des produits du terroir généreusement offerts par les partenaires du salon.
On pense déjà à l'année prochaine qui verra l'avarice envahir les cours et les jardins, raser les murs de peur qu'on la hue, qu'on la vilipende. Elle ne pourra pas se vautrer sur un grand
lit au milieu de la place, tel ce lecteur d'extraits érotiques à demi nu.
Que nous réserve l'équipe de Lire en mai? Nous verrons cela dans 51 semaines, mais, silence, ils sont déjà au travail!
Dominique LIN
© photos : Elan Sud et P.O.L (Atiq Rahimi)