Si je comprends bien ce qu’elle veut dire au sujet de François Bayrou : «C’est le meilleur des socialistes. Maintenant, qu’il se débrouille avec les socialistes» toute critique de la politique menée par Nicolas Sarkozy et l’UMP serait forcément du socialisme… horribilis !
Or, si je suis souvent d’accord avec les critiques émises par François Bayrou contre les dérives du pouvoir et la démocratie en général, ainsi que globalement sur la calamiteuse gestion de la triple crise – financière, économique et sociale – menée par un Nicolas Sarkozy imbu de sa personne et totalement incapable d’entendre les attentes de la France profonde et les cris de détresse de la France qui souffre, il s’en faudrait de beaucoup que François Bayrou soit devenu socialiste !
Quand bien même serait-il aujourd’hui nettement moins à droite qu’il ne le fut à l’UDF - fourre-tout qui allait jusqu’à la quasi extrême-droite, avec le CNI comme ramasse-miettes des anciens fachos d’Ordre Nouveau et Occident… La plupart de ses anciens «amis» ont d’ailleurs quitté le navire par peur de n’être pas investis par leur allié traditionnel – l’UMP - pour les futures élections…
Le Modem est donc un parti jeune et profondément renouvelé. Néanmoins, que François Bayrou nourrisse pour l’élection européenne de 2012 des ambitions qui peuvent paraître excessives est un fait.
Il souhaiterait vers «cavalier seul» mais la simple arithmétique électorale ne peut que lui donner tort : aucun parti non plus que personnalité – de droite ou de gauche et a fortiori du centre – n’est capable de rassembler une majorité suffisante pour espérer l’emporter à l’élection présidentielle.
La question des «alliances» se pose dès aujourd’hui et se posera avec encore plus d’acuité à mesure que nous nous rapprocherons des échéances. François Bayrou est proprement ridicule lorsqu’il attend quoique ce soit d’un rapprochement avec Villepin et ses soutiens, tendance microscopique !
N’en déplaise à Cambadélis et autres imbéciles du même tonneau qui cherchent à tous prix à «diaboliser» Bayrou et le Modem – contre d’ailleurs le souhait des deux-tiers de l’électorat du PS qui souhaiteraient un rapprochement avec le Modem selon un récent sondage Libération-Viavoice - le Parti Socialiste n’est pas non plus en mesure de remporter seul voire avec ses alliés traditionnels, devenus tout aussi microscopiques : communistes, MDC, radicaux de gauche – ce qu’il en reste ! – et même les Verts. Force est donc de dresser le constat de décès de l’Union de la gauche d’avant-hier et de la «gauche plurielle» d’hier…
Dans la mesure où c’est exactement ce que je pense depuis 2007 quand à l’avenir du Parti socialiste, je ne peux donc que donner raison à Laurent Joffrin quand il écrivait dernièrement dans un édito frappé au coin du bon sens : Comment battre Nicolas Sarkozy ? que la seule façon d’éliminer Nicolas Sarkozy du champ politique – car il est évident qu’il entend bien se représenter en 2012 nonobstant ses coquetteries de vieux beau et tout le lait d’beu de ses palinodies à l’usage des seuls gogos – implique de «constituer un espace politique, culturel et social neuf : la grande coalition de l’après-Sarkozy, rassemblée, non dans une combinaison d’appareils mais par un projet de rupture avec le libéralisme».
Il importe en effet - dit-il en substance - de «rompre avec l’héritage libéral des années 80» ce que ne souhaitent ni la classe dirigeante – bien au contraire ! – ni moins encore Nicolas Sarkozy malgré la théâtralité de ses discours ; d’ailleurs changeants en fonction de ses auditoires, cela n’est pas nouveau ! Alors même que sa politique économique et sociale témoigne à l’envi qu’il privilégie les possédants cependant que toutes les réformes antisociales en diable “qu’il porte” sont de la plus pure eau ultralibérale.
«Pour réinventer une politique audacieuse, humaine, démocratique, où le marché est remis à sa place, où la liberté ne se résume pas à l’autonomie des individus mais s’incarne dans l’adhésion aux valeurs collectives, où le souci de la planète et celui de la justice l’emportent sur la déification de l’intérêt personnel. Une politique, en un mot, où les valeurs républicaines sont vivifiées par celles de l’altermondialisme. Ce projet ne sortira pas des placards grinçants de la rue de Solferino. Il se construira dans le débat public».
«Les peuples prennent conscience de la folie libérale qui nous a conduits à la crise. Ils veulent une alternative», écrit-il en conclusion.
Je pense qu’un tel espace politique où le débat ne serait plus confisqué par les mêmes éternelles «élites» qui prétendent parler au nom du peuple - voire des socia-listes ! - ne peut que créer une dynamique constructive et riche de promesses - pas au sens sarkoïdal de mensonges ! - et sans nul doute d’enthousiasme.
D’ailleurs, si l’on réfléchit bien à l’étymologie, redonner voix au chapitre au peuple (demos) n’est finalement que renouer avec l’exercice réellement démocratique du pouvoir.
Il n’y a certainement aucune autre voie possible, sauf à ce que la gauche reste dans l’opposition jusqu’au moins… 2032 ! selon la boutade d’un lecteur de Libé que m’avait signalée une amie.