La Bretagne est une région extraordinaire à plus d'un titre, des paysages superbes et variés (côtes déchiquetées ou landes sauvages), une gastronomie qui mérite qu'on se mette à table (fruits de mer, beurre salé, crêpes, kouig amman, cidre etc.), une météo plus clémente que ce qu'en dit la rumeur et une alliance du païen et du sacré particulièrement troublante.
Les contes et légendes bretons sont très nombreux et fascinants, fées et lutins y courent les landes, les korrigans effraient les petits enfants et l'Ankou tire sa charrette à travers le pays emmenant vers l'au-delà ceux pour qui l'heure a sonné. Il est aussi impossible d'imaginer la Bretagne sans ses menhirs, dolmens et druides, toutes les histoires extraordinaires liées à la mer ou sa légende du roi Arthur. Toutes ces féeries vont de paire avec les superstitions et croyances païennes qui ressortent dans de petits gestes quotidiens comme ne pas mettre le pain sur le dos sur la table ou encore se signer rapidement pour éloigner le mauvais sort. Sur cette terre fertile en croyances, la religion ne pouvait que se développer et les églises ou chapelles sont nombreuses. Avec le temps, croyances et religion se sont imbriquées au point que parfois, au milieu de la lande battue par le vent ou aux abords d'une source maigrichonne, une petite chapelle en ruine, dédiée à un saint pas très catholique nous montre que les anciens n'hésitaient pas à mélanger les torchons et les serviettes pour se forger des convictions qui les aideraient à vivre.
Le patrimoine religieux breton est donc riche et très présent, on pense bien sûr aux calvaires de toutes tailles, plantés aux carrefours des routes ou des chemins, semblant nous surveiller d'un œil sévère et quasi traumatisant. Pour ma part, c'est lors d'un séjour dans les monts d'Arrée au sud de Morlaix dans le Finistère que j'ai découvert les enclos paroissiaux. Ils datent des XVIème et XVIIème siècle où ils devinrent l'objet d'une compétition entre villages, chacun rivalisant d'imagination et de talent pour construire le plus beau.
L'enclos paroissial comprenait l'église, le cimetière, l'ossuaire et le calvaire clos par un mur percé de plusieurs entrées dont une porte monumentale est dite « arc de triomphe ». Aujourd'hui seuls certains éléments subsistent, selon les sites. C'est le cas par exemple à Plounéour-Menez où du mur d'enceinte ne reste qu'un pan de la porte d'entrée principale mais l'ouvrage de granit de par sa matière et sa simplicité conserve sa puissante majesté. L'ossuaire n'existe plus mais l'église est superbe avec son clocher haut et très effilé. Sur ses murs extérieurs, des niches vides de saints et un cadran solaire. Sombre calvaire multibranches devant le porche.
Plusieurs villages conservent les traces plus ou moins intactes de ces monuments religieux mais c'est à St-Thégonnec que se trouve le plus beau de tous les enclos paroissiaux de Bretagne qui en vérité a été restauré entre 1998 et 2005 après avoir été détruit par un grand incendie. On entre dans l'enclos par une imposante porte triomphale, formée de quatre blocs de granit ornés de lanternons. Le calvaire est décoré de scènes de la passion et d'une statue de saint Thégonnec. La plateforme porte trois croix et la croix centrale porte le Christ, des anges, des cavaliers etc. Tous les personnages sculptés dans la pierre ont des trognes amusantes ou inquiétantes. La chapelle funéraire offre une façade typique de la renaissance bretonne et à l'intérieur, dans la crypte, se trouve une extraordinaire mise au tombeau en bois de chêne sculptée en 1702. Les personnages peints sont grandeur nature et l'aspect est saisissant, car la pièce, très petite, ne peut accueillir que quelques visiteurs à la fois. L'intérieur de l'église surprend par ses couleurs et son plafond bleu-vert ; un magnifique retable finement sculpté, rehaussé de couleurs chatoyantes et de dorures à l'or fin. Enfin, pour le confort des fidèles qui viennent y écouter la messe, on a prévu des bancs très confortables et une sorte de moquette qui permet d'avoir les pieds au chaud, ce qui n'est pas un luxe... et je me remémore les messes de mon enfance en l'église parisienne Sainte Cécile où je me pelais tous les dimanches matins d'hiver. Un système de pointage par une fiche de carton déposée dans une corbeille et qui nous était restituée par l'abbé, le jeudi après-midi en début de catéchisme, interdisait toute absence non motivée ! Mais tout ceci est une autre histoire, d'un autre temps.