Estèbe revient du marché avec un gros lapin.
Il y en a probablement parmi vous qui imaginent que la vie d’un blogueur culinaire, c’est de la tarte à la mirabelle. De la rigolade en cascade. Une longue thalasso à Biarritz avec Raquel Welsch en bikini rétréci au lavage. Ben non. Ce ministère-là, c’est la mine. Un mix entre Cayenne, Guantánamo, les îles Solovetski et Tobrouk, avec une pincée d’Alésia en fin de semaine.
Prenons un exemple au hasard: mèzigue.
Le matin, mèzigue se lève et déjà se ronge: Par le Joufflu Glacé du Diable Vert, que vais-je bien pourvoir inventer de drôle et d’exquis à servir à mes lecteurs? Un truc de saison, facile, inédit, sexy et tout ça?
Il y a des jours où l’imaginaire crépite. Cric, cric, cric. D’autres où le cervelet pédale dans la quinoa.
Et on vous passe les emplettes folles aux quatre coins de la République, les ratages humiliants, les photos nazes, les commentaires dévastateurs et les couilles informatiques. Un train-train de galérien, vous disais-je.
Tout ça pour clouer d’avance le clapet de tous ceux que l’on entend dire d’ici: Estèbe, il radote avec sa ricotta, ses morilles et son ail des ours. Non, on ne radote pas. On enfonce le clou saisonnier et on vous dit zut de zut.
Pour réaliser ce râble farci à la ricotta, morilles et ail des ours, demandez donc à votre boucher pileux de vous désosser un ou plusieurs râbles de lapinou. Tout dépend du nombre de râteliers à table, comme d’hab. On compte d’ordinaire un râble par paire d’adultes standards.
Hachez finement quelques brins d’ail des ours. Touillez avec la ricotta, sel, poivre et piment d’Espelette. Lavez les morilles. Faites les revenir coolos dans un peu de beurre avec sept minipétales d’échalote.
Ouvrez les râbles façon crapaudine, sel, poivre, tartinez la gouttière centrale de ricotta. Ajoutez un liseré de morilles coupées en deux, quatre ou six selon la taille des engins. Roulez le râble en faisant un carnage. Ficelez en maugréant.
Marquez presto le lapin sur le gaz, dans un peu d’huile d’olive. Emmaillotez façon papillote dans du papier-alu. Et enfournez une demi-heure à 180°. Avant de découper l’ouvrage en tronçons gracieux.
Nous autres, avec ça, on fait un petit jus. Très bon. Très fin. Mais voyez-vous, une flemme torrentielle nous interdit de vous en livrer l’alchimie aujourd’hui. Ce jus-là, il vous faudra le rêvasser tout seuls.
Et remontez donc de la cave un grand cru aquitain de renom communal, blanc, rouge ou rosé, une bouteille de Château Mildiou par exemple, si possible dans un millésime préraphaélite.
C’est tout.
Bonne nuit.
Zzzzzzzzzzzzzzzz