User de mots pour dire Vies minuscules, c’est très intimidant. Ceux de Pierre Michon foisonnent dans les hauteurs, perfections et raclures, richement ordonnés en un phrasé rare aux allures désuètes, une fresque précise, lente, inébranlable.
Déshabitué depuis longtemps à la magnificence, on a, tapis, des réflexes traqueurs prêts à bondir au premier signe d’élégance en criant au scandale de la préciosité. Les faire taire, absolument. Et se laisser éblouir. Car c’est éblouissant.
Le style et le vocabulaire sont denses et admirables ; ils peuvent, à la première rencontre, s’ériger en obstacles plutôt qu’en passeurs. Une fois franchi l’obstacle, on découvre que la fresque n’est pas simple ornement.
Pierre Michon exhume les vies de quelques anonymes de La Creuse ou d’ailleurs, voisins, ancêtres, maîtresses ou curés, solitudes oubliées et intemporelles, propulsées ici par décision de l’auteur, incrédules, gênées. Qu’il ait vécu auprès d’eux ou que l’histoire familiale en ait véhiculé le souvenir, tous lui sont proches. Il se raconte avec eux et zoome, sans ménagement, sur les béances cruelles et les absences répétées, les orgueils assumés ou les abnégations, les liens tissés, fragiles, inégaux. Le constat est brut, implacable, nourri de faits et de détails qui disent la fatalité, la vulnérabilité, la résistance silencieuse aux acharnements du sort. L’écho rebondit, renvoie le lecteur à ses propres souvenirs, ça cogne et ça écharpe. Pourtant, une tendresse pudique sous-tend tous les récits, relie entre elles les huit nouvelles. Pierre Michon ne cherche pas d’excuses mais il nomme, et c’est comme un hommage, discret, raffiné et bouleversant.
Ce livre est magistral.
L’auteur est né en 1945 aux Cards, dans la Creuse. Son père quitta le domicile deux ans après sa naissance, et Pierre Michon fut élevé par sa mère institutrice. Il étudia les lettres, fit partie d’une troupe de théâtre, publia Vies Minuscules, son premier livre, à 37 ans. La plupart de ses ouvrages sont publiés aux éditions Verdier (Vie de Joseph Roulin, 1988, Maîtres et serviteurs, 1990, La Grande Beune, 1996, Le Roi du bois, 1996, Mythologies d’hiver, 1997, Trois auteurs, 1997, Abbés, 2002, Corps du roi, 2002, L’Empereur d’Occident, 2007). L’Empereur d’Occident a d’abord été publié par Fata Morgana en 1989, avec des illustrations de Pierre Alenchinsky. Rimbaud le fils est paru chez Gallimard en 1991.
On peut trouver en ligne de nombreux articles, interviews, textes de l’auteur, notamment via le site des éditions Verdier.
- Auteur : Pierre Michon
- Date de parution : 02/02/1984
- ISBN : 9782070700387
- Editeur : Gallimard
- Collection : BLANCHE
- Nombre de pages : 216
- Dimensions : 14X20 cm
- Poids : 300 g
- EAN : 9782070700387
- Prix: 17,50