Bon, les mauvaises langues diront qu’elle l’est déjà. Néanmoins, mon rythme de lecture de livres papier est descendu vertigineusement depuis quelques années. Et je ne suis pas sûr que ce soit uniquement le résultat d’une vie active trépidante. Car qui peut le plus… peut le plus ! C’est en relisant Nicolas Carr que je me suis fait la réflexion que, peut-être, Internet avait une mauvaise influence sur moi. Si j’additionne l’écrit papier, l’écrit Internet et, accessoirement les panneaux publicitaires sur le chemin du boulot, et la notice des Dolipranes, ma ration de mots à néanmoins considérablement augmenté. Et conséquemment, les mots que je couche aussi (J’aime bien conséquemment) même si je n’ai pas atteint les mille mots journaliers de Douglas Kennedy : ceci-dit, écrire moins de mille mots par jour, vivre sur un seul continent et rester fidèle à la même femme est un choix de vie que j’assume complètement. Non, ce qui m’inquiète, c’est cette boulimie qui me prend régulièrement, suivie presque immédiatement d’un vide sidéral : la panne, intellectuelle s’entend. Un petit peu comme si la conjugaison de l’écrit et du numérique déconnectait et reconnectait mon cerveau, tel un gréviste d’ERDF. Il faut trouver une solution, se donner sans doute une hygiène de vie. Sans quoi, je crains que mon cerveau ne ressemble à terme ni plus ni moins à un membre phallique, ne répondant plus qu’aux stimuli envoyés par Google, plateformes de blogging, sites d’information. Un stimuli conditionné par des newsletters et autres fils RSS (Reprends ton Soufle Sagouin !) Notice explicative, deux assertions de Nicolas Carr :
Ces dernières années, j’ai eu la désagréable impression que quelqu’un, ou quelque chose, bricolait mon cerveau, en reconnectait les circuits neuronaux, reprogrammait ma mémoire. Mon esprit ne disparaît pas, je n’irai pas jusque-là, mais il est en train de changer. Je ne pense plus de la même façon qu’avant. C’est quand je lis que ça devient le plus flagrant. Auparavant, me plonger dans un livre ou dans un long article ne me posait aucun problème. Mon esprit était happé par la narration ou par la construction de l’argumentation, et je passais des heures à me laisser porter par de longs morceaux de prose. Ce n’est plus que rarement le cas. Désormais, ma concentration commence à s’effilocher au bout de deux ou trois pages. Je m’agite, je perds le fil, je cherche autre chose à faire. J’ai l’impression d’être toujours en train de forcer mon cerveau rétif à revenir au texte. La lecture profonde, qui était auparavant naturelle, est devenue une lutte.Mon esprit attend désormais les informations de la façon dont le Net les distribue : comme un flux de particules s’écoulant rapidement. Auparavant, j’étais un plongeur dans une mer de mots. Désormais, je fends la surface comme un pilote de jet-ski.
A mesure que nous devenons de plus en plus dépendants d’Internet, nous commençons à penser sur les mêmes modèles de fonctionnement. A mesure que nous nous servons des ordinateurs comme intermédiaires de compréhension du monde, je crains que notre propre intelligence ne devienne artificielle.Posted in Accès par le bureau, Carr Nicolas, Le monde numérique Tagged: Ecriture, Humour, Lecture, Monde numérique, Vie des Carnets