Le Complot des Janissaires - Jason Goodwin
La capacité de se souvenir, voilà qui forge un peuple.
A la fin du dixneuvième siècle à Istanbul, les Janissaires, autrefois une troupe d’élite de l’Empire Ottoman, sont devenus une mafia armée qui fait la loi dans les rues de la ville : émeutes, incendies, vols, extorsions. Jusqu’au jour où la Nouvelle Garde, entrainée par des instructeurs occidentaux, rétablit la situation. Nait une rancoeur qui fait l’une des trames du roman. Et puis des meurtres horribles sont perpétrés sur ces soldats modernes. L’un d’entre-eux est retrouvé dans un chaudron, la face tranchée… Hachim Togalu, officier de renseignement, est chargé d’élucider ces crimes et de retrouver le ou les assassins.
Jason Goodwin, qui est aussi historien de l’Empire Ottoman, nous peint à merveille la cité millénaire du Bosphore, aux rues étroites, venelles en enfilade, maisons sombres et encastrées. Un labyrinthe propice aux complots. Il nous décrit la vie des confréries et de la cour. J’ai savouré la description de recettes typiques, avec luxes de détails. J’ai ri franchement lorsque l’auteur explique de quelle façon un homme devient eunuque : on s’y prend de la même façon pour faire avancer un chameau !
Ce roman met en exergue la lutte entre tradition et modernité. Rétablissement des Janissaires, ou création d’un Etat fort, sur le modèle russe ? La fin du sultan et l’avènement d’une République ? Une confrontation éternelle entre l’ancien et le nouveau, la réaction et la rénovation, le souvenir et l’espoir. Derrière le complot se profile la Russie, qui veut prendre la Turquie, comme elle l’a fait de la Crimée. Les Janissaires d’autrefois ont-ils été remplacés par les extrémistes religieux d’aujourd’hui ? Un roman quasiment d’actualité, à l’heure où l’on se demande si la Turquie doit rentrer dans l’Europe.
L’auteur est aussi un fin connaisseur de la culture française, en témoigne ce livre que la mère du Sultan offre à Hachim : Le Père Goriot, de Honoré de Balzac. Un clin d’oeil aux passions décrites dans ce roman : corruption, tromperie, convoitise et mensonges.
Je conclue, provisoirement car je lirai avec plaisir d’autres romans de Jason Goodwin, en reprenant la citation du Times : “Intelligent et d’une grande séduction d’écriture, Le Complot des Janissaires est un plaisir rare”. C’est exactement ce que j’ai ressenti : du plaisir.
Prolongez l’étude du Complot des Janissaires sur les blogs de Yoshi (avec des photos de Istanbul aujourd’hui), Pingui (avec points forts / points faibles), Lhisbei, Jérôme (documenté).
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