Le titre américain (The Overlook) est subtil ; il est malheureusement intraduisible en français. Il signifie à la fois voir d’en haut et laisser passer. Or le crime en pleine nuit que l’inspecteur Bosch de la police de Los Angeles doit élucider, a eu lieu sur le belvédère de Mulholland Drive, au-dessus de la ville et des villas des stars. La victime, inconnue des services de police, figure cependant dans les listes du FBI comme personne sensible en cas de terrorisme. Le médecin a en effet accès au césium radioactif qui permet de soigner le cancer – mais aussi de composer une bombe sale… Bien sûr, le FBI ne voit que du terrorisme là où l’inspecteur de Los Angeles ne voit d’abord qu’une victime. Le ressort du roman va jouer de cet écart.
Moins psychologique que les précédents, moins plongé dans la société, il s’agit presque d’un roman politique. Nous sommes en 2006 en pleine ère George W. Busch, en plein néoconservatisme en naufrage à l’étranger comme à l’intérieur. La paranoïa du terrorisme arabe saisit toutes les institutions à qui on réclame du chiffre. Dès lors, tout est bon pour se faire mousser et apparaître comme un sauveur patriote. Il y a – comme dans toutes les administrations – les lourdingues qui tirent la couverture à eux et piétinent allègrement toutes les plate-bandes ; puis les professionnels froids et méthodiques qui agissent dans l’ordre et dans l’urgence mais sans voir la trame globale ; il y a enfin les humanistes de la génération d’avant, plus préoccupés des gens que des décrets ou des fantasmes. Michael Connelly, né en 1956, se range sans conteste dans la dernière catégorie. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner qu’il n’a guère aimé l’ère Busch.
L’épouse du docteur est retrouvée nue, ligotée sur son lit ; elle avoue avoir donné ses clés et mots de passe pour qu’un courriel de menaces soit envoyé à son mari s’il ne vole pas le césium pour les cagoulés. Un naïf qui voulait observer Madonna nue par les fenêtres de sa villa a entendu les coups de feu et a cru reconnaître « Allah ! » crié par quelqu’un au même moment. La seconde voiture du couple est retrouvée devant le domicile d’un intellectuel moyen-oriental qui aime à déblatérer sur l’Amérique devant les télés. Que faut-il de plus pour être persuadé d’être devant un gros attentat en préparation ? La fièvre monte, l’urgence, la tentation de tout centraliser au niveau fédéral en laissant les principes de collaboration locale aux discours des politiciens.
Sauf que l’inspecteur Bosch s’accroche. Bosch contre Bush, dans la meilleire tradition du western. Un homicide est du ressort de la police locale, et il va découvrir que l’affaire, habilement montée, n’est pas celle que présentent les apparences… L’éditeur français présente comme une surprise une « autre » fin écrite par l’auteur. Il s’agit non pas d’une fin différente mais d’un chapitre de plus qui prolonge le suspense. Un coup de pub pour préparer le volume suivant ? Nous ne sommes pas dans le meilleur Connelly, mais le récit fonctionne et l’on passe une bonne soirée.
Michael Connelly, A genoux (The Overlook), 2006, Points policier, mai 2009, 278 pages.