Pardonnez mon silence dû l’accomplissement de quelques tâches lourdes consommatrices de temps. J’ai été ainsi empêché de commenter en son temps feu le bel amendement du sieur Lefebvre. Pour une fois, le porte-parole de l’UMP a été rapidement ramené à la raison par son propre camp. Je me permets malgré ce retard de vous livrer les remarques que cette initiative démente m’avait conduit à formuler.
Frédéric Lefebvre avait déposé cet amendement dans le cadre de la proposition de loi visant à « faciliter le maintien et la création d'emplois ». Cette disposition n’avait de toute évidence aucun rapport avec le but de la proposition de loi. Elle ne maintenait aucun emploi, puisque, à ma connaissance, la loi interdit précisément de licencier un salarié pour cause de maladie et, loin de créer des emplois, elle permettait d’éviter des embauches ou le recours à du travail temporaire en supprimant le besoin de remplacer les travailleurs absents.
Elle me semblait par contre s’inscrire dans le droit-fil de l’impérissable dogme de notre Président : « travailler plus pour gagner plus », avec toutefois une légère imperfection : au mieux, tout en permettant au salarié restant chez lui de travailler éventuellement plus que son état de santé ne l’autorisait, elle lui aurait tout au plus assuré de gagner autant. Et la réduction des charges de la Sécurité sociale n’aurait guère eu d’effet sur le déficit du budget du fait de l’exonération de cotisations sociales accordée aux entreprises.
Elle contrevenait également à la devise de notre République, en instaurant une inégalité de traitement entre différentes catégories de salariés. En effet, si certains peuvent accomplir leur travail depuis leur domicile, tous ceux qui doivent utiliser des équipements n’existant que sur leur lieu de travail, et généralement parmi les plus modestes, se seraient vus privés du bénéfice de cette généreuse initiative.
Le dernier point critiquable, concernant d’ailleurs non seulement cette disposition mais également de nombreux autres articles du droit du travail, est la référence faite à la volonté du travailleur. Il est un fait qui, s’il peut être regretté, ne peut être nié : dans l’état actuel de notre législation, il existe entre le salarié et son employeur un rapport de sujétion qui interdit la notion même de volontariat de la part du salarié. Je me propose de développer cet aspect dans un prochain billet.