Un spectre hante l’Europe : l’entrée de la Turquie dans l’Union. Il faut dire que cette question n’a jamais été clairement posée alors qu’elle ne cesse d’être évoquée, convoquée ou invoquée dans le débat public. A la fois parce qu’elle a été officiellement renvoyée à plus tard – des négociations entre l’Union européenne (UE) et la Turquie ont été ouvertes en 2005 qui doivent durer au moins 10 ans – et parce qu’elle suscite des réactions exacerbées de rejet ou d’enthousiasme.
Au-delà des multiples débats (historiques, géographiques, culturels, religieux, stratégiques…) que suscite la perspective de l’adhésion turque, c’est l’avenir du projet politique européen qui est ici en jeu. Le choix d’accepter ou non la Turquie dans l’UE renvoie en effet à celui, plus fondamental, entre deux conceptions opposées de ce que peut ou doit être l’Europe au XXIe siècle.
La première : ouverte (à tout pays potentiellement candidat autour de la Méditerranée notamment), faiblement intégrée (seuls quelques compétences de régulation économique par exemple sont mises en commun) et à plusieurs vitesses (seuls les pays qui le souhaitent font avancer ensemble certains domaines : défense, immigration, environnement, etc.). La seconde : réduite à un nombre de pays fixé pour un long moment, jusqu’à ce qu’ils parviennent à s’intégrer dans une forme politique fédérale mettant en commun leur souveraineté sur le plus grand nombre possible de sujets.
Ces deux choix sont légitimes car cohérents. Il faut simplement que les Européens tranchent entre les deux, ne serait-ce que pour éviter que ce choix se fasse par défaut, à l’insu (démocratique) des citoyens.
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Chronique publiée dans le quotidien Nice Matin le 28 mai 2009.
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