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Abattage des porcs en Egypte, une affaire de gros sous ?

Publié le 27 mai 2009 par Kak94

La décision des autorités égyptiennes d'abattre la totalité de leur cheptel porcin, par peur de la grippe A (H1N1), n'en finit pas de faire des vagues. Perçue dans un premier temps comme une attaque contre la minorité copte - les coptes sont les principaux éleveurs de porcs dans le pays -, l'affaire prend aujourd'hui une dimension économique. Un éleveur de cochons nous raconte que, derrière l'excuse de la grippe dite "porcine", se cache en réalité une affaire de gros sous.

Depuis l'annonce par le gouvernement, le 29 avril, que les 350 000 cochons que compte l'Égypte devaient être abattus, des échauffourées ont éclaté entre les forces de l'ordre et les trieurs d'ordures qui traditionnellement les élèvent, car les porcs sont leur gagne pain ; ils s'en servent pour recycler les déchets organiques (lire notre précédent article sur le sujet), puis revendent leur viande pour en faire du jambon.

Si l'Égypte avait été touchée par la grippe aviaire (69 cas recensés dans le pays au 10 mai dernier), elle n'a, à ce jour, enregistré aucun cas de grippe A (H1N1). L'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'agence de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) avaient qualifié "d'erreur" la décision d'abattre le cheptel porcin, le virus H1N1 se transmettant par les hommes et non par les porcs.

"Le gouvernement veut récupérer les terres des éleveurs de porc"

Magdi Abdel Fatah, est éleveur de porcs à Manchiyet Nasser.  

Le gouvernement resserre depuis deux ans l'étau autour des chiffonniers. Pourquoi ? Parce que le prix de leurs terres a connu une forte augmentation ces dernières années et que de nouvelles routes permettent aujourd'hui d'y accéder. Ma ville, Manchiyet Nasser, est par exemple devenue une zone touristique. Le gouvernement veut récupérer ces terres. Il a donc essayé une première fois de se débarrasser de ces ramasseurs d'ordures en les transférant dans la ville désertique du 15-Mai [c'est le nom de la ville] qui n'a ni canalisations d'eau ni même de services publics. Cela n'a pas marché, alors il tente aujourd'hui d'abattre leurs cheptels.

Depuis 2000, deux compagnies, l'une espagnole, l'autre italienne, sont chargées de collecter les ordures. Mais elles sont en manque de main d'œuvre qualifiée. Les chiffonniers, eux, ont une longue expérience, mais ils travaillent à leur propre compte. Le gouvernement voulait donc faire d'une pierre deux coups : récupérer les terres des chiffonniers et les pousser à travailler pour les deux compagnies étrangères comme simples ramasseurs d'ordures.

La décision gouvernementale a déjà eu des répercussions économiques. Chaque mois, 20 tonnes de viandes de porc arrivaient sur le marché égyptien. L'offre de viande diminuant, son prix a fortement augmenté. Et parce que la demande s'est reportée sur d'autres produits, même le prix du poisson a monté en flèche. De 12 livres égyptiennes (1,5 euro), il est passé à 20 livres, dans un pays où le fonctionnaire moyen est payé entre 500 (65 euros) et 800 livres par mois.

La décision d'abattre le cheptel porcin a engendré une véritable psychose. Plus personne n'achète de la viande de porc. Les gens ne passent même plus devant les magasins qui en vendent par peur d'être contaminé ! Une peur renforcée par les recommandations du pape Shenoda [le chef de l'Église orthodoxe copte] de ne pas manger de porc. Mais ce sont les chiffonniers qui sont le plus stigmatisés. Dans certains quartiers huppés, les habitants refusent de laisser entrer dans leurs immeubles ces ramasseurs d'ordures, ou ils leurs demandent de se couvrir de sacs en plastique par précaution. On les traite comme s'ils avaient la peste."

Chanson anti-cochons


La rue égyptienne est prise de panique et appuie largement la décision du gouvernement. En témoigne cette chanson qui remporte un franc succès dans les couches populaires de la population. Le chanteur populaire Chaaban Abdel Rahim, connu aussi sous le diminutif de Cha’boula, surfe sur la psychose et donne le "coup d’envoi pour abattre tous les cochons."

Mina Zekry est blogueur et activiste des droits de l’Homme. Il suit cette affaire de cochons depuis le début.

On craint donc une révolte chez ces chiffonniers harcelés de toute part. Mais la campagne médiatique visant à les dénigrer a porté ses fruits. La chanson de Cha’boula (voir ci-dessus) permet également de faire accepter à l’opinion publique une décision condamnée par la FAO et l’OMS."

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