C'est à sa version de ce scénario inusable que convie le dernier livre de Jean Marc Parisis.
Protagoniste principal, un auteur de chansons à succès, armé d'une morale qui lui est propre: " Il fallait arrêter de voter. Il fallait fusiller les psys. Il fallait cesser d’enculer le peuple et les femmes. Il fallait écrire des chansons. Voilà ce que je m’étais dit, il y a longtemps, et je m’y tenais, dans l’ombre des stars. " (...)
Sans doute grâce à cette position d'observateur en retrait, vivant à moitié dans l'ombre, ce narrateur fait preuve d'un esprit d'observation aiguisé dont on vous fait juge, lorsqu'il l'utilise à l'occasion d'une soirée où il est invité.
"Les hommes ne suivaient plus le mouvement.
Ils se planquaient dans leurs chemises à col italien et leurs pompes à bout carrés – quelques réfractaires arboraient un tee-shirt et des Converse colorées. Les hommes avaient du mal à suivre, même en face de leur femme ou de leur petite amie, ils avaient du mal face au bordel électrique semé parleurs nanas. Ils posaient leurs voix, amplifiaient leurs gestes. La vieille frime de sexe et de fric ne marchait plus. Ils mendiaient la présence et l’attention.
Les hommes n’étaient plus les rois. Ils offraient des cigarettes, passaient des verres, dégainaient leurs téléphones portables. Ils attendaient quelque chose ou faisaient semblant. Aucun n’était laid, aucun n’était beau. Les visages essuyaient l’époque comme des chiffons. Ils en accrochaient l’ennui, la vanité, la peur.
Les hommes avaient l’air d’une publicité pour la vie fragile. Si être adulte, c’était obtenir des réponses ou décider de taire les questions une bonne fois pour toutes, ils étaient encore bien jeunes. Ils hésitaient. Les femmes souriaient, ne voyaient pas où ils voulaient en venir. Ils hésitaient encore avec des mots plus crus, des sentiments plus faux. Et les femmes riaient."
A cette soirée, son destin bascule. Comme un certain héros de Flaubert, c'est comme une apparition:"Je m’en souviens comme si c’était hier, d’un hier qui ne serait séparé d’aujourd’hui que par la nuit.
Accoudée au balcon, elle fumait en passant une main dans ses cheveux. La première fois que je l’ai vue, je ne l’ai pas vue, je l’ai aimée de dos. Je savais que lorsqu’elle se retournerait, ce serait pire. Blonde avec des traits de brune.
Ses yeux brillaient d’une lumière mystérieuse et familière qui semblait venir du fond de l’enfance. Le pain et le chocolat, la marelle au soleil, les genoux écorchés, les matins d’hiver si durs à se lever. Son visage n’avait pourtant rien d’enfantin, il signalait l’enfance sans la retenir.
Son air altier et perdu paraissait tenir ses ordres de loin. C’était une jeune femme d’avant l’envie, d’avant la bourgeoisie."
Ainsi lui apparaît, donc, Gail. "Cette rencontre, écrit Parisis, me donnait raison. Tout n'était pas perdu. Ma vie, ce que je pensais de ma vie, allait changer. (...) je n'avais rien appris depuis si longtemps dans ce monde à la peau si dure, si épaisse, qu'il était impossible de trouver son coeur".
Voilà donc les premices d'une histoire, qui, comme son titre l'indique, a un "pendant"... et un "après". On vous laissera en découvrir les coulisses, savourer la "théorie de la marge" concernant les jolies filles de moins de trente ans, qui fait pendant à celle des hommes largués exposés plus haut. On vous souhaitera, comme nous l'eûmes, de l'indulgence pour certains dialogues qu'il semble, disons, improbable qu'ils aient été tenus. Et au final, du plaisir, au terme de ce très bref roman, une histoire brève et bien troussée qui se déguste comme un apéritif familier.