"Terremer" à la moulinette de l'entertainment

Publié le 18 avril 2007 par Critikacid
Le "cycle de Terremer", série de romans d'Ursula Le Guin, sont des ouvrages empreints d'une poésie sincère, nourris d'une vraie réflexion sur l'humanité, ses forces et ses faiblesses, sur les rapports entre homme et femmes. Ce sont des ouvrages qui insistent sur la force la parole quand elle dit ce qui est, vérité qui est à la base de la magie qui règne dans cet archipel imaginaire où passent des dragons comme des éclaireurs prométhéens de ce monde.
Commencé comme un récit, presque enfantin, de l'initiation d'un jeune garçon destiné à devenir le plus grand des mages, et qui devra pour cela affronter ses peurs et ses ombres, se dépouiller de sa vanité, la trilogie Terremer s'est poursuivie en une sorte de conte philosophique soulignant à sa façon la nécessité pour la vie humaine d'avoir une perspective, une direction pour aboutir. Elle fut prolongée par deux autres livres abordant plus frontalement les rapports de domination entre les hommes et les femmes.
La quête de la vérité et les rapports de domination travaillent d'ailleurs Ursula Le Guin au point qu'elle produisit une autre fable, elle aussi revêtue des habits littéraires du "fantastique" et de la "science fiction", fable intitulée "les dépossédés", imaginant un monde (une vieille lune, en fait), fonctionnant selon les principes du communisme.
C'est de cette suite de livres dont s'inspire la dernière production des studios Ghibli, Myazaki fils succédant pour l'ocasion à Myazaki père. Il y avait matière dans ces contes à inspirer un, sinon des films capables d'émouvoir et de surprendre, même sous cette forme d'animation.
Mais de Terremer il ne reste que les habits, le corps n'y est plus. On retrouve dans ce dessin animé les préoccupations habituelles, vaguement écolo-pacifistes sans grande portée, qui imprègnent les précédentes réalisations des studios Ghibli, notamment Princesse Mononoke. On y retrouve aussi les mêmes effets spéciaux et visuels, presque les mêmes visages, bref, à l'instar du Gebbet, ce monstre issu de l'ombre dans la saga d'Ursula Le Guin qui revêt l'apparence de ses victimes, l'industrie du cinéma d'animation japonais a vidé Terremer de l'eau fraîche qui y coule et en a fait une coquille vide.
Terremer est une oeuvre qui fait grandir. Les studios Ghibli, eux, dont on a pu parfois apprécier le talent et même la poésie (Le voyage de Chihiro), n'en sortent pas grandis.