Vœu soutenant la proposition de loi 1228,
relative à la reconnaissance, aux conditions de vie et à l’accueil des anciens combattants originaires des états antérieurement liés à la France et ayant accédé à l’indépendance.
Présenté par Stéphane Weisselberg,
Conseiller municipal, président du groupe citoyen,
pour la séance du 27 mai 2009.
« Les Oubliés de la République »
Le 8 mai 2009, la France a célébré le 64ème anniversaire de la fin de la barbarie nazie et de l’avènement d’une paix durable en Europe. A cette occasion le président de la République, Nicolas Sarkozy, a salué le courage admirable des troupes coloniales de l’armée d’Afrique précisant que la France n’oublierait jamais leur sacrifice.
Il était en effet urgent pour la « santé » de notre histoire collective de rappeler que les combattants « indigènes » engagés ou enrôlés de force dans l’armée française : Goumiers, Zouaves, Tabors, Tirailleurs, Spahis ont aussi risqué leur vie pour la liberté de notre pays !
Mais il est désormais impérieux que la République assume le prix du sang versé.
Depuis 50 ans ces anciens combattants issus des anciennes colonies sont soumis a un régime discriminatoire quant à leurs pensions : lorsque un ancien combattant Français perçoit environ 600 Euros, un ancien combattant Sénégalais touche 159 Euros. Ces pensions varient de 1 à 8 selon qu’ils sont Français, Tunisiens, Camerounais ou Cambodgiens ...
Jusqu’en 2002 et depuis la loi du 26 décembre 1959, cette inégalité de traitement labellisée sous le terme « cristallisation », concerna la retraite du combattant, les pensions militaires d’invalidité, les pensions militaires de retraite et les pensions civiles de retraire, toutes transformées en indemnités non indexables sur le coût de la vie.
Cette injustice profondément indigne du pays de la déclaration des droits de l’homme s’accompagne d’un système tout aussi pervers qui conduit à des drames humains intolérables. Faute de pensions militaires décentes, des milliers de personnes âgées ont immigré au début des années 90 pour bénéficier des minima sociaux auquels ils pouvaient prétendre dans la mesure où la loi Pasqua leur donnait une carte de séjour en tant qu’ancien combattant. C’est pour pouvoir faire vivre leur famille que paradoxalement ils les ont quittée et se sont retrouvés en France sans accueil adapté, isolés, parfois « clochardisés » et ignorés de tous.
Et si fin novembre 2001, le conseil d’Etat confirme la contradiction de la loi du 26 décembre 1959 avec la déclaration européenne de sauvegarde des droits de l’homme, obligeant ainsi le gouvernement de l’époque à appliquer dans le cadre de la loi de finances 2002 le critère de parité des prestations, une nouvelle discrimination sera introduite en appliquant un cœfficient négatif dit « de parité de pouvoir d’achat » spécifique au pays de résidence du bénéficiaire.
Le film indigènes, en 2007, contribua à une prise de conscience collective et à un engagement au plus haut sommet de l’Etat puisque le président de la République Jacques Chirac se déclara sensible à cette injustice ! Mais il ne s’agit encore une fois que d’effet d’annonce.
Il est aujourd’hui grand temps que la République Française regarde en face son passé et soit digne des valeurs qu’elle prétend porter à l’égard de ceux qui se sont battus pour elle.
Il est aujourd’hui grand temps que le gouvernement généralise la décristallisation des pensions militaires de retraire et de permettre aux anciens combattants, de plus en plus âgés et de plus en plus précarisés, de les percevoir quel que soit leur lieu de résidence.
Il est aujourd’hui grand temps que le président Nicolas Sarkozy transforme ses paroles en actes.
Considérant l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signé le 4 novembre 1950, qui précise que « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la dite Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. » ;
Considérant l’article 1 du Protocole n° 12 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales signé le 4 novembre 2000, qui ajoute la mention suivante « Nul ne peut faire l’objet d’une discrimination de la part d’une autorité publique quelle qu’elle soit fondée notamment sur les motifs mentionnés précédemment dans l’article 14. » ;
Considérant le constat par le comité des droits de l’homme des Nations Unies, en 1989, du caractère discriminatoire des lois de finances N°74-1129 de décembre 1974, et du 31 décembre 1981 appliquant aux Sénégalais la législation sur la cristallisation des pensions de 1959, par rapport à l’article 26 du pacte international sur les droits civils et politiques ;
Considérant l’arrêt du conseil d’Etat N° 212179 du 30 novembre 2001 (connu sous le nom de l’arrêt DIOP), qui estime que le refus de revalorisation de la pension d’un ancien auxiliaire de la gendarmerie Sénégalais constitue « une différence de traitement entre les retraités en fonction de la seule nationalité. » incompatible avec les stipulations de la CEDH (Convention Européenne des Droits de l’Homme) dès lors que ces pensions civiles et militaires sont qualifiées de « créances qui doivent être regardées comme des biens. » ;
Considérant le constat, en 2006, par la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE), saisie par le GISTI et le CATRED, du caractère discriminatoire de la réforme issue de l’article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002, puis sur l’article 100 de la loi de finances de 2007.
Le conseil municipal de Romainville signe l’appel « les oubliés de la république » (paru dans le journal libération du 5 mai 2009), le publie dans le bulletin municipal et demande au président de la République, au premier ministre, aux présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat, aux présidents des groupes parlementaires, d’inscrire la proposition de loi 1228 du député socialiste Alain Rousset à l’ordre du jour des deux assemblées.