Une des première difficultés rencontrées par un enseignant en début d'année est le processus de mémorisation des prénoms des élèves. La gymnastique intellectuelle s'avère plus difficile lorsqu'on enseigne à l'étranger, car les prénoms nous sont souvent inconnus.
En Thaïlande, c'est tout particulièrement vrai.
D'abord, reprenons depuis le début.Les Thaïs ont un nom de famille et un prénom, ce dernier étant choisi par les parents. Le choix du prénom est assez complexe, car l'objectif principal est de "porter chance". Beaucoup ici sont très attentifs à ce genre de superstition, et les règles permettant de déterminer le "facteur chance" d'un nom sont très complexes et leurs origines assez floues.Il y a des lettres meilleures que d'autres, des suffixes, des préfixes et des syllabes qui, sans avoir de signification précise, évoquent le bonheur, l'argent ou la joie.Les prénoms sont donc fabriqués par un assemblage de ses lettres et mots. Il arrive alors assez régulièrement qu'ils soient uniques, ou tout du moins rarissimes.
De leur côté les noms de familles ont, pour la plupart, été eux aussi fabriqués de cette façon. En effet, en Thaïlande, on peut changer à loisir son prénom... mais aussi son nom de famille. J'ai eu du mal à trouver une confirmation officielle, mais ce qu'on m'a expliqué, c'est que la procédure n'est pas plus compliquée que remplir un formulaire et n'a pas besoin d'être justifié comme c'est le cas en France.On ne peut pas non plus choisir n'importe quel prénom, sont proscrits les noms contenant des mots relatifs à la famille royale et tout ce qui est grossier ou insultant. Ceci dit, ça laisse pas mal de latitude.J'avoue que j'ai un peu de mal à imaginer comment les administrations arrivent à gérer ce casse-tête... En même temps, ici, sécu, assurance chômage etc... ça n'existe pas.Cette possibilité de changer de nom si facilement remonte à l'époque du roi Rama VI qui, pour appaiser les tensions entre les Thai et l'énorme communauté de chinois (installés en Thailande depuis de nombreuses générations), leur a offert la possibilité d'adopter des patronymes Thaï.
La tendance est alors à la surenchère. On va coller le plus possible de syllabes de bon présage, histoire, au cas où, de s'assurer un peu de chance.Un bone exemple est la médaillée Olympique Prapawadee Jaroenrattanatarakoon, qui a adopté cet immense patronyme en lieu et place de "Junpim Kuntatean" juste avant les jeux. Bien lui en a pris semble-t-il.
La conséquence directe de ces patronymes à rallonge, est que les Thai ne les utilisent que pour les documents officiels. Le reste du temps, ils utilisent un surnom: entre amis, avec la famille mais aussi pour les relations professionnelles (le surnom est alors simplement associé à "Khun", qui veut dire "Mr." ou "Mme").Celui-ci aussi ils le changent. Quand ils sont petits, il est donné par les parents, mais il peut s'avérer un peu embarassant plus tard (trop infantile) alors ils n'hésiteront pas non plus à le changer.Il y a des classiques: "Nueng", veut dire "Un", est assez régulièrement donné au premier enfant. Mais de nos jours, la mode est à l'anglais. Parce que c'est "cool".Je ne parle pas de donner des prénoms anglophones... mais bien d'utiliser des mots anglais qui évoquent quelque chose de positif pour les Thaï.Le résultat peut s'avérer assez surprenant, voir gênant ou hilarant.Certains seront alors surnommés "Boss", "Best" ou "First"... pour des raisons assez évidentes. Il y a aussi les noms supposés mignons: "Cookie", "Cartoon", "Pancake"... et les ratages: "Pee", "Beer", "Cutout" (??), "F-4" (???).
La palme reste aux parents de deux jumeaux que j'ai dans ma classe.
L'un est surnommé "Play".L'autre......... s'appelle "Pause"