De bout en bout, 1969 fut une année aéronautique et spatiale exceptionnelle, riche en événements d’importance historique : premier vol de Concorde et du Boeing 747, premiers pas de l’Homme sur la Lune, lancement du Mercure, création de lSNIAS (alias Aerospatiale) …et lancement de l’Airbus A300B.
L’avionneur européen n’est pourtant né que l’année suivante, quand a été mis en place le groupement d’intéręt économique Airbus Industrie. Curieusement, en effet, son premier avion a été lancé bien avant la création de cette structure juridique, alors que les négociations entre Etats n’étaient pas terminées. Aprčs de nombreux rebondissements, le Royaume-Uni ne voulait plus participer ŕ la création du gros biréacteur, Rolls-Royce n’étant plus en mesure d’en assurer la propulsion. Dans le męme temps, l’Espagne hésitait, les Pays-Bas étaient sur le point de renoncer. L’Italie, pour sa part, se montrait peu intéressée.
Il fallait pourtant faire vite. D’oů le choix audacieux de la France et de l’Allemagne d’aller de l’avant sans plus attendre. Le 29 mai 1969, les deux pays ont annoncé un protocole inter-gouvernemental, les signataires étant Jean Chamant, ministre des Transports, et Karl Schiller, ministre allemand de l’Economie (notre illustration). Hawker-Siddeley avait choisi de participer sur fonds propres ŕ hauteur de 7% (avec l’aide des Allemands), les deux partenaires principaux étant ŕ égalité avec 46,5% chacun.
La signature du protocole, dans la maquette en vraie grandeur de la pointe avant du futur A300B, n’apparaissait pas encore comme l’acte fondateur d’une extraordinaire saga industrielle. Les jeux étaient bien loin d’ętre faits et l’incrédulité discrčtement présente tandis que les Etats-Unis, Boeing et Douglas en tęte, affichaient leur indifférence. A leurs yeux, cette opération ŕ forte connotation politique ne pouvait que conduire ŕ un échec.
Aujourd’hui, Airbus se prépare ŕ fęter ses 40 ans sans que l’on sache s’il convient de prendre l’accord de mai 1969 comme principal repčre ou plutôt retenir la création du GIE, l’année suivante. De plus, pour tout compliquer, le salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget se déroule désormais en juin, cela pour éviter un télescopage hôtelier avec le tournois de tennis Roland Garros. Pas question, dčs lors, d’organiser une cérémonie ŕ la date anniversaire. On peut le regretter, d’autant qu’un A380 vidé de ses sičges aurait offert un cadre ŕ la mesure de la réussite d’Airbus.
Discours et flonflons, s’ils sont prévus, viendront plus tard. En revanche, sans plus attendre, il convient de rendre hommage aux pčres fondateurs, ŕ commencer par Roger Béteille, Felix Kracht et, bien sűr, Henri Ziegler. Un trio franco-allemand de choc qui, bien entouré, a écarté tous les obstacles qui se sont présentés sur la route de l’A300B. Les raisons de découragement n’avaient pourtant pas manqué, d’autant que le carnet de commandes de l’A300B est longtemps resté maigrelet.
La confiance, la vision ambitieuse de l’avenir étaient pourtant bien lŕ, dčs 1969. Détail remarquable, les partenaires industriels avaient d’entrée prévu non moins de sept versions étroitement complémentaires du premier modčle. Mais, ont-ils reconnu par la suite, ils ne l’ont pas dit pour éviter des commentaires qui auraient risqué d’ętre narquois, sinon désagréables. On sait aujourd’hui que la ténacité a payé, que l’Europe a reconquis sa juste place sur le marché mondial des avions commerciaux. Depuis quelques années, Airbus est ŕ égalité avec Boeing dans le cadre d’un duopole sans précédent.
Le bilan, 40 ans exactement aprčs le lancement de l’A300B, dépasse les espoirs les plus fous de 1969. Airbus a créé une gamme couvrant l’ensemble des besoins des compagnies aériennes, de 100 et quelques places au paquebot des airs A380, et a vendu ŕ ce jour trčs exactement 9.226 avions. Le modčle originel A300 et son dérivé A310, qui ne sont plus produits, ont finalement réalisé une premičre percée tout ŕ fait convenable avec 816 exemplaires produits. Deux types d’avions dont plus de 600 unités sont toujours en service et qui, indirectement, constituent un témoignage sympathique de la premičre époque d’Airbus.
Cette année, le programme industriel prévoit la livraison de 480 appareils environ, malgré la récession. De toute maničre, quels que soient les incidents conjoncturels du moment, l’Europe d’Airbus regarde depuis longtemps bien au-delŕ de l’horizon. Ce qui lui permet d’entrevoir un plein ciel bleu.
Pierre Sparaco-AeroMorning