Magazine Côté Femmes
A propos de l'école, on parle beaucoup de la violence visible : bagarres entre collégiens, professeurs agressés physiquement. MAIS IL EXISTE AUSSI
UNE VIOLENCE QUI EMANE DE LA HIERARCHIE ! Elle est moins apparente, elle est ambiguë car elle subit l'écrasement pyramidal, (Paris écrase les recteurs qui écrasent les inspecteurs d'académie qui
écrasent les inspecteurs de l'éducation nationale...), elle est souvent inconsciente et agit avec retardement. C'est la violence du calme. Les différentes enquêtes sur la violence
scolaire, celles d'Eric Debarbieux notamment, l'évoquent peu. Les collègues en bas de l'échelle ont du mal à la mettre en
mots et n'en mesurent pas forcément la souffrance floue.
Mais en quoi consiste-t-elle au juste ? Je crois qu'elle est d'abord une violence du discours didactique. Quand des IEN ou des professeurs d'IUFM
défendent avec la même vigueur les programmes 2008 et les programmes 2002 au
prix d'improbables pirouettes sémantiques, l'enseignant de base éprouve le sentiment durable d'être pris pour une merde.
Le discours injonctif sur le devoir d'obéissance distille aussi une violence pernicieuse. Le maître redevient un enfantelet que l'on
gourmande avant même qu'il ait exprimé le moindre désir de contestation...
C'est que le discours du soupçon ajoute également ses blessures. Les professeurs du bas sont toujours suspects donc coupables de ne pas faire ce qu'il faut pour la réussite de leurs élèves. La
nouvelle pratique évaluative de la certification mise en avant par l'Inspection Académique de Bordeaux opère à
vif dans ce soupçon. Désormais, à la fin du CM2, les enseignants devront certifier le niveau de leurs élèves, engageant par là-même leur responsabilité en cas de recours voire de procès des
familles contre l'école. Les avocats auront du pain sur la planche dans les années à venir.
Enfin, comment ne pas aborder la question du déni du réel qui exerce tout pareillement une véritable violence ? Vous avez d'un côté la hiérarchie et sa doxa jamais remise en cause et de l'autre
le gros des troupes qui a les mains dans le cambouis des jours ordinaires, avec des apprenants qui sont avant tout des enfants, dans leurs jubilations comme dans leurs fragilités. Ces violences
ajoutées, soyons honnêtes, ne sont pas comparables à celles que subissent les salariés dans les entreprises. Les enseignants jouissent encore d'une certaine marge de manoeuvre même si elle se
rétrécit. Mais le sentiment du mépris gagne du terrain et gangrène lentement le corps enseignant. Les maisons de repos de la MGEN sont pleines de pauvres malheureux.
une image un peu sereine