Il est très rare que je lise un livre au moment de sa publication.
Je préfère laisser passer les avis bons ou mauvais et le battage médiatique pour que mon esprit critique ne soit pas influencé.
C'est donc, exceptionnellement, que je publie un article sur un livre - terrible - venant tout juste de sortir...
L'histoire
Le 16 août 1870,
l'incroyable va se dérouler dans un petit village du Périgord : Hautefaye.
Alain de Monéys, un jeune périgourdin aimé de tous, se rend à une foire paysanne.
Il a fort à y faire : acheter une génisse pour une voisine miséreuse, promouvoir son projet d'assainissement des eaux pour le bien de la communauté, trouver un couvreur pour réparer le toit d'un voisin dans le besoin...
A Hautefaye, où il est connu et aimé, il sait qu'il trouvera son bonheur.
Deux heures après son arrivée à la foire, il périra après avoir subi des tortures inimaginables.
Pour un mot imaginaire qu'il n'a pas prononcé, il va être lynché, torturé, brûlé vif et mangé.
La foule se montrera incapable de le reconnaître, elle va croire être en présence d'un ennemi Prussien (la France de l'époque est en guerre contre la Prusse et les pertes humaines sont terribles) puis, elle va oublier qu'il est un être humain et l'assimiler à un animal à déguster collectivement.
Seule une poignée d'hommes du village vont garder leur raison et tenter de sauver le jeune homme innocent.
Peine perdue, la lente mise à mort de Jean de Monéys, le chemin de croix comme le nomme Jean Teulé, prendra 2 longues heures ou les atrocités succéderont aux ignominies les plus barbares.
Le lendemain, les bourreaux et les meurtriers prendront la mesure de leurs actes mais aucun ne pourra expliquer ce qui s'est passé dans son esprit.
Une histoire vraie qui figure dans les annales les plus noires de l'histoire française.
L'auteur
Journaliste et écrivain, Jean Teulé a débuté sa carrière dans la bande dessinée.
Homme de télévision, il officie aux cotés de Bernard Rapp dans « L'assiette anglaise » entre autres puis il se tourne résolument vers l'écriture.
Son roman historique « Le Montespan » fait partie des livres phares de 2008.
Impressions
Le livre est difficile à lire.
Non pas que le style soit complexe, il est surtout de l'ordre du récit descriptif.
Mais le sujet et le déroulement hallucinant des événements éprouvent le lecteur.
L'auteur ne nous épargne aucun détail sordide des tortures et nous assistons, absolument impuissants, à la fin atroce de ce jeune homme.
Nous accompagnons la foule dans ce lynchage dément et nous nous interposons dérisoirement auprès de ceux qui tentent de secourir le supplicié.
Ce livre, une fois commencé, nous ne pouvons pas le lâcher avant la dernière ligne.
Hypnotisés !
Les sensations en fin de lecture sont mitigées.
L'atrocité des actes est flagrante mais nous ne pouvons nous empêcher de réfléchir à la possibilité d'explosion de folie générale de nos jours.
Alain de Monéys apparaît comme un bouc-émissaire de la situation dramatique de l'époque, la victime expiatoire désignée par une folie et un désespoir collectifs.
Il était là, au mauvais moment et il fallait un souffre-douleur.
Jean Teulé nous met le nez dans la face la plus sombre de l'être humain : il nous fait entrer dans l'antre où la bête sommeille.
Loin du voyeurisme dont on pourrait taxer ce livre, il est avant tout une réflexion sur notre inhumanité et notre barbarie extraordinaire.
A conseiller à un public adulte averti.
« Mangez-le si vous voulez » de Jean Teulé.
Aux éditions Julliard, 17 euros, 130 pages.