Magazine Blog
J'ai roulé au moins 31 kilomètres.
A la radio, dans Troicencette, j'entends déjà les infos et qu'on parle de moi, je suis donc attendue, des fois que je serais en
retard.
La route est bien droite, mais jamais ça s'arrête.
Enfin, une place.
« Tu verras, t'as la place de la Mairie et en face, t'as une maison bleue, avec Radio Marseillette écrit dessus, comme le
PortSalut. »
Moi, je vois une place même pas ronde avec un parking devant l'école, un bar et point barre.
Je fais demi-tour et je passe juste devant « Radio Marseillette ».
Raté, un tour gratuit sur la nationale.
Je me gare.
Je pousse la porte.
Immédiatement, un fumet familier de tabac blond me met dans une ambiance que j'aime.
Ça commence bien.
Dans un aquarium, une femme devant son ordinateur, elle doit se taper un Solitaire en solo.
Devant elle, assis sur une chaise bleue, un bonhomme dont je devine qu'une fois déplié, il doit mesurer au moins 2 mètres 14, touille
son café, clope pincée entre l'index et le majeur.
2 paires d'yeux se font ronds.
« Bonjour, je suis Mélina LOUPIA.
-Vous êtes en avance, mais entrez, vous voulez un café? »
Voilà qu'on va m'obliger à boire des cafés et à fumer des cigarettes, maintenant.
Je m'installe pendant qu'on me prépare une mixture qualifiée par son auteur de « Clinique ».
Celle dont j'apprends qu'elle est la secrétaire des lieux est en train de s'occuper de mes textes.
Elle se marre la bougresse.
Je suis sommée de sélectionner ceux dont je pense que je pourrai les lire.
« Les lire? Non mais vous voulez rire? ».
On va m'obliger à me produire.
Je ne sais pas lire, je ne sais qu'écrire, mais ils ne le savent pas.
Rapidement, je me sens chez moi ici, ça va être un beau bordel d'ici 5 minutes, je le sens.
Le bonhomme déplié disparaît dans les escaliers et va parler dans son micro, là-haut, que je ne connais pas encore.
La dame, dont j'apprends qu'elle s'appelle Nicole, et qu'avec elle on rigole, prend le temps de me dire combien elle se
poile quand elle me lit sur mon blog.
Et en plus elle aime ce que je fais, on a pas le cul sorti des ronces.
Alors que je commence vraiment à investir les lieux, deux dames en blouse rose entrent.
Visiblement, elles savent où elles sont.
Ça papote, ça papote et le bonhomme descend, parle de moi aux dames qui veulent lire mon Exercice De Style Autour De La Cuvette, qu'il vient d'imprimer.
Elles adorent.
Il propose que je le signe à une certaine Céline, la plus jeune du duo nettoyeur.
Parfait, maintenant, j'ai des fans, c'est confirmé.
En parlant de fan, c'est aussi le pseudo du grand bonhomme.
Il insiste pour que je lise ce que j'écris, je résiste autant que je peux, puis je cède, au bout de 48 secondes environs.
Super, je vais donc revivre l'amère scène de mon CM2, le jour où j'ai lamentablement flingué Le Cancre devant tous mes camarades de
classe et l'instituteur.
Remarque que c'était pas un de mes textes, manquerait plus que j'y prenne goût.
Encore des allées et venues dans ce petit moulin fort sympathique, quelques tracteurs qui viennent perturber le programme musical
original et Nicole m'invite à monter là-haut.
Je suis accueillie sur le pallier par Fan et ses 2 mètres 14 qui désigne le studio.
« Assise, micro vert, je pouvais pas ne pas la faire. »
En plus, il a de l'humour, je suis très emmerdée, ça me plaît.
On rigole, on rigole, mais ici, on travaille aussi.
Il me fait pénétrer son antre et m'offre un cadeau extraordinaire.
« Choisis ta programmation, tu as tout ça. »
Tout ça, c'est des milliers de titres.
Largement mieux rangé qu'à la FNAC en plus.
Je fond sur le rayon local.
Ce sera Bistek, Rue
Rouge, Didier Volubile et Goulama'Ska.
Il approuve.
L'heure clignote et il coiffe son casque.
Il m'annonce.
« Une chanson, les infos, des jingles, la pub, une autre chanson et c'est à toi. »
Immédiatement, mes jambes se font la malle, seules mes mains amarrées à la console me maintiennent en station debout.
« Pas de problème. »
Là je sens bien que je suis pas crédible et j'aimerais bien qu'à cet instant, Fan me prête un peu de sa décontraction.
Je passe dans la salle de torture.
Un casque m'attend.
Des murs tapissés d'affiches. Des que je connais, dès que j'aime, d'autres moins, mais toutes dédicacées à l'attention de mon bourreau
du jour, unanimement apprécié.
Alors comme ça, le personnage ne serait pas ce que j'en pense? Serait-il cultivé, curieux, professionnel, promoteur de talents, investi,
gentil, marrant et tout et tout?
Il parle à présent dans le creux de mes cages à miel, je lui réponds, tout fonctionne.
Il fait son pédagogue et m'explique le déroulement de l'émission, deux ou trois blagues fusent dans les fils et la lumière rouge
s'excite.
C'est à moi.
J'enlève mon engin de torture.
C'est fini, mais pas tout à fait.
Il est 11h et des poussières de temps.
Je redescends.
Je fais une nouvelle halte dans le bistrot de Nicole où le maître des lieux m'attend.
On l'appelle Ségura ,Jean-Claude pour les intimes.
On me force à peine à prendre un autre café, accompagné d'un petit chocolat à haute teneur en cacao.
On cause chiffons jusqu'à midi.
Alors que mon estomac n'a plus besoin de rien, je prends congé de mes matons et quitte cette prison bleue.
3 heures de détention provisoire.
Un patron sympathique, jamais j'aurais pensé dire à un jour.
Une secrétaire dynamique, on voit bien qu'on est pas au Conseil Général.
Un animateur abordable et adorable, certainement un extra terrestre ou une espèce en voie de disparition.
Une heure de bonheur simple.
Des coulisses à faire figurer dans le zapping.
Des rires en éclats.
Des coeurs qui battent fort.
Des échanges riches.
De la culture locale, mais vraie.
Comment je vais faire croire que j'ai détesté?
J'abandonne.
J'avais promis à Fan qu'il allait charger.
Je suis incapable de le faire.
Je suis fan de Fan.
Il m'avait proposé de faire un petit coucou personnel à l'antenne hier.
Je voudrais profiter d'être maintenant en mes lieux pour en adresser un supplémentaire.
Je tiens à remercier l'ANPE d'avoir refusé de candidater à une offre qui correspond en tous points avec le taf que je cherche, pour une boite géniale
qui n'a pas d'autre but que celui d'aider les gens.
En effet, cette grande maison, qui avait été fort sympathique au premier abord prétend que je ne suis pas éligible à un contrat
aidé.
Malheureusement, je ne suis -je cite- ni âgée de moins de 26 ans, ni bénéficiaire du RMI, ni chômeuse d'assez longue durée, ni une femme
battue. De plus, mon gentil mari, en dehors du fait de ne pas lever la main sur moi, est blindé de thunes, selon le barème.
L'employeur en question n'est absolument pas à blâmer, il tente avec ses petits moyens, de faire bosser des gens simples, qui en
veulent, histoire de rester humain.