Niger / Des dizaines de milliers de personnes prises sous le feu

Publié le 25 mai 2009 par Tanjaawi

 Des dizaines de milliers de personnes prises sous le feu croisé des autorités et de groupes armés dans le delta du Niger

Quelque 20 000 personnes résidant dans les zones de gouvernement local de Warri-sud et Warri-sud-ouest, dans la région du delta du Niger, au Nigeria, sont prises entre les tirs de la force conjointe police-armée (JTF) et ceux des groupes armés. Des milliers d'entre elles ont fui leur village et sont dans l'incapacité d'y retourner.
L'offensive de la JTF a débuté le 13 mai après qu'elle eut, semble-t-il, été attaquée par des groupes armés dans l'État du Delta. La JTF procède à des incursions terrestres et des frappes aériennes sur différents villages des zones de gouvernement local de Warri-Sud et Warri-Sud-Ouest où le gouvernement nigérian pense que se trouvent les camps des groupes armés. Amnesty International craint que plusieurs centaines de personnes ne soient mortes.
Le 15 mai, à l'aide d'hélicoptères équipés de mitrailleuses, la JTF a attaqué plusieurs villages du royaume de Gbaramatu, parmi lesquels Okerenkoko et Oporoza. Environ 500 personnes s'étaient rassemblées à Oporoza à l'occasion d'une fête annuelle célébrée dans plusieurs villages du royaume de Gbaramatu.
Un témoin oculaire qui assistait à cette fête a déclaré : « J'ai entendu un bruit d'avion ; j'ai vu deux hélicoptères militaires faire feu sur les maisons, sur le palais, sur nous. Nous avons dû courir nous réfugier dans la forêt. Là, j'ai entendu des adultes hurler, beaucoup de mères n'arrivaient pas à retrouver leurs enfants ; chacun courait pour sauver sa peau. »
La JTF est composée de troupes de l'armée de terre, de la marine, de l'aviation militaire et de la police mobile, et a été créée en 2004 dans le but de rétablir l'ordre dans le delta du Niger. Les attaques de la JTF visant les villages de cette région sont quotidiennes, ses membres pensant semble-t-il que les groupes armés s'y cachent.
On ignore encore le nombre exact des victimes de ces assauts. Selon les informations reçues par Amnesty International, plusieurs centaines de spectateurs, dont des femmes et des enfants, auraient été tués ou blessés par la JTF et par les groupes armés tirant en direction de celle-ci.
De nombreuses maisons ont été incendiées et détruites par l'armée. Des personnes continuent à se cacher dans la forêt, sans pouvoir bénéficier de soins médicaux ni d'un approvisionnement en nourriture. Le principal mode de transport de ces villageois est le bateau, mais ceux qui tentent de se déplacer de cette manière seraient pris pour cibles par des membres de la JTF ou des groupes armés.
« Il ne faut pas que la JTF et les groupes armés fassent usage de la force si cela entraîne des atteintes aux droits humains, elles ne doivent pas déplacer des personnes de force mais faire en sorte que celles qui ont besoin de soins médicaux puissent en bénéficier librement », a déclaré Véronique Aubert, d'Amnesty International.
Pauvreté, corruption et présence de pétrole, d'armes et de gangs sont les ingrédients d'une situation extrêmement instable dans la région du delta du Niger. Ces dernières années, les groupes armés et les bandes criminelles ont clairement cherché à prendre le contrôle des ressources et se sont livrés à des actes de violence. Cette situation a entraîné une intensification des affrontements entre les groupes armés et la JTF.
La JTF est fréquemment accusée d'avoir recours à la force d'une manière excessive lorsqu'elle prend pour cible des groupes armés et des gangs, et il arrive souvent que des habitants de villages soient blessés ou tués. En août 2008, à la suite d'une attaque commise contre la JTF par des groupes armés, au moins quatre personnes ont été tuées au cours d'un raid militaire dans le village d'Agge (État de Bayelsa).
En août 2007, la JTF est intervenue dans un affrontement entre deux gangs rivaux à Port-Harcourt, dans l'État de Rivers, en utilisant des hélicoptères et des mitrailleuses ; au moins 32 personnes sont mortes parmi les membres des gangs, ceux des forces de sécurité et les passants.

21 mai 2009 / Amnesty