Aquinze jours des élections européennes, l’encéphalogramme demeure désespérément plat : l’abstention, habituel vainqueur de ce scrutin, tutoie encore une fois les sommets. 54% des Français interrogés par l’institut CSA pour Le Parisien (édition du 24 mai), déclarentvouloir s’abstenir dimanche 7 juin. Un score inquiétant qui ne doit pas masquer d’autres enseignementsmajeurs.
Les grognards du Président ne désertent pas
Malgré un très léger décrochage, constaté par l’institutCSA,l’UMP continue à faire lacourse en tête, avec 26% d’intentions de vote. Ce résultat démontre d’abord la justesse de la stratégie Présidentielle, qui a maintenucoûte que coûte le credo des réformes. Jugé parfois sourd aux demandes de l’opinion qui souhaitait une inflexion plus sociale dans un contexte de crise, mis à mal par des conflits éreintants dans l’université ou les hôpitaux, le parti de Nicolas Sarkozy dispose encore d’un socle solide d’irréductibles sympathisants qui lui sont gré d’avoir maintenu le cap.Selon CSA, 82% des sympathisants de droite souhaitent en effet voterpour la liste UMP. Un signal faible et potentiellement inquiétant émerge néanmoins. Les derniers sondages font état d’un léger effritement parmi le noyau dur de soutiens : mi-mai, 73% des électeurs ayant voté pour Nicolas Sarkozy en 2007 souhaitaient voter pour les listes UMP. Ils n’étaient plus que 63% selon le sondage CSA du 24 mai.
Des souverainistes qui ne décollent pas
La bonne tenue de la liste UMP réside par ailleurs dans le score faible du FN. Le parti de Jean-Marie Le Pen stagne autour des 7%, soit 3 points de moins que son score de 2004. Le FN, gangréné par une énième dissension interne, n’a pas réussi à tirer parti de la crise pour se relancer après l’échec de la présidentielle.
Enfin, l’UMP bénéficie du score relativement faible des listes souverainistes. Crédité de 6% des voix, le parti de Philippe de Villiers ne parvient pas à décoller malgré une liste commune avec le CPNT. L’agenda médiatique n’est pas porteur pour le leader souverainiste incapablede faire entendre sa vision européenne alternative. Ce parti ne parvient pas non plus à mobiliser les électeurs nonistesau référendum de 2005, qui constituent pourtant un vivier important. Seuls36% des électeurs ayant voté non au référendum de 2005se déclarent intéressés par cette élection contre 63% des citoyens ayant voté oui, selon un sondage Opinion Way du 19mai.
Un bloc de gauche sans leadership
Le sondage CSA du 24 mai crédite le PS de 21%, soit un point de moins que la vague précédente. Le parti de Martine Aubry souffre d’abord d’unedispersion des voix. Seuls 52% des sympathisants de gauche souhaitent voter pour la liste PS. En cause notamment, une stratégie frontale contre le Président Sarkozy qui ne paye pas. Le parti socialiste a misé tout le début de sa campagne sur le vote sanction. Mais si le diagnostic – donner un portée nationale à des élections qui paraissent si lointaines, transformer unvote sans enjeu en exutoire – n’est pas infondé, cette stratégie fait in fine le jeu de liste plus radicales, qui incarnent bien mieux l’opposition radicale. Ainsi, le NPA de Besancenot et le Front de Gauche réalisent en cumulé un score honorable 11 %, soit trois points de plus que le résultat de 2004.
Les verts se mettent au bleu ?
Or, cet anti-sarkozysme ne permet pas non plus d’attirer une frange plus impliquée et europhile, davantage séduite par la liste Europe Ecologie. Ainsi, 58% des électeurs d’Europe Ecologie jugent que l’enjeu principal de ces élections n’est pas d’exprimer son opinion sur l’action du président de la République. Par ailleurs, 70% d’entre euxveulent avant tout voter pour des enjeux européens. Ils se retrouvent logiquement dans la ligne du partiécologique de Daniel Cohn-Bendit, député européen convaincu, qui recueille 10 % des suffrages. Une tendance qui bénéficie aussi au MoDem. Ce parti, avec un dernier pointage à 14% selon CSA, demeure le troisième parti de France, sans toutefois rééditer la performance de l’élection présidentielle de 2007.
Au final, dans cette dernière ligne droite d’une course qui n’a en réalité jamais vraiment commencé, seule une cristallisation autour d’un thème simple, mobilisateur et ancré dans la vie quotidienne des Français permettrait d’éviter une victoire éclatante de l’abstention. On en viendrait presque à regretter le plombier polonais.