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"Good Morning England"

Par Loulouti





L’éternel nostalgique que je suis a trouvé chaussure à son pied ce matin. J’ai vu "Good Morning England", LA comédie de l’année réalisé par Richard Curtis, metteur en scène du déjà très remarqué "Love Actually".
Les anglais sont véritablement des empereurs dans ce domaine. Ils savent mettre en scène des longs métrages attachants, drôles et dirigent avec une main de maître une pléiade d’acteurs connus ou en passe de le devenir. Le résultat est souvent renversant.
Avec "Good Morning England" on atteint des sommets. Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu la banane pendant plus de deux heures. J’ai nagé dans un océan de bonheur.
D’entrée de jeu je dois vous préciser une chose : je continuerai d’appeler ce film par son titre "français" (même s’il ne l’est pas) faute de mieux. En version originale le long métrage se nomme tout simplement "The Boat That Rocked". Un titre plus évocateur, qui colle parfaitement au propos et à l’esprit de l’œuvre de Richard Curtis. Je déplore une fois de plus l’idée saugrenue voire carrément stupide du distributeur français.
Carl (Tom Sturridge) vient de se faire renvoyer de son école. Sa mère (Emma Thompson) l’envoie auprès de son parrain Quentin (Bill Nighy) pour lui faire la morale. Ce dernier dirige "Radio Rock", la plus populaire des radios libres de la seconde moitié des années 60. Près de 25 millions de britanniques écoutent à toute heure du jour et de la nuit cette station pirate qui émet d’un cargo naviguant en pleine mer du nord.
24h/24 des DJ's font écouter à ces millions de personnes les plus grands standards de la Pop et du Rock. Sur le bateau la fête est permanente et Carl fait la connaissance d’incroyables personnalités dont le Comte (Philip Seymour Hoffman), Dave (Nick Frost) et plus tard Gavin (Rhys Ifans)
Les autorités sont agacées. Le Premier Ministre somme le Ministre Dormandy (Kenneth Branagh) de mettre fin au phénomène des radios libres. Un âpre combat s’engage entre les pouvoirs publics et la "Radio Rock"
"Good Morning England" est un long métrage qui donne du bonheur et de l’énergie de la première à la dernière seconde. Une œuvre qui agît comme un patch à la sinistrose ambiante. Bien sûr il s’agit avant tout de fiction mais la toile de fond historique est bien réelle.
Nous sommes plongés au cœur d’une société anglaise dont les dirigeants guindés n’ont pas compris que depuis longtemps le vent avait tourné. Les sujets britanniques écoutent avec ferveur une musique jugée décadente par une poignée d’hommes et de femmes. Ils n’ont pas compris que la Pop et le Rock étaient bien plus que des styles musicaux. La musique est devenue à cette époque une manière de vivre pleinement ses rêves en totale liberté.
Le film se fait l’écho de ce clash des générations. A l’opposé de la société bien pensante, nous trouvons un groupe d'individus soucieux de défendre leur manière de penser et d’agir.
L’histoire du film peut d’ailleurs se résumer de manière simple : 8 DJ's, un bateau, de la musique à foison à toute heure d’un côté, les tracasseries d’un gouvernement vieillot de l’autre.
 
A partir de cette trame, Richard Curtis met en scène un film très souvent drôle, complètement barré par moments, excessif tout le temps, touchant, émouvant parfois et même dramatique (ou presque). Nous passons par toutes les émotions possibles. La recette fonctionne à coup sûr. L’ensemble est savoureux et se regarde avec un immense plaisir jubilatoire.
Un long métrage riche de nuances, de développements surprenants où rien n’est tabou. Les thèmes abordés (sexe, drogue, alcool) sont débarrassés de tout jugement moral. Les DJ's sont chaperonnés par une cuisinière lesbienne, seule femme à bord, qui veille sur l’équilibre alimentaire de "ses" hommes à elle.
"Good Morning England" est surtout un long métrage nostalgique qui rend hommage à une époque où la musique était créatrice, expérimentale mais aussi à un moment charnière qui vit poindre la contestation ici ou là dans le monde.
La musique fut l’un des vecteurs de la remise en cause de l’ordre établi depuis des lustres. Les personnages du long métrage sont emblématiques à plus d’un titre de ce bouleversement des sons et des idées, ils incarnent un non conformisme évident, d’où l’idée totalement folle mais géniale de s’exiler en mer du nord.
Ces hommes prenaient de monumentales cuites, se droguaient parfois et faisait l’amour tous les quinze jours quand les femmes étaient tolérées à bord. Des plaisirs simples pour ces hommes, de l’immonde lubricité pour les gardiens du temple de la morale anglaise. La volonté était de vivre en dehors des carcans d’un monde formaté et des moules où on enfermait la jeunesse.
Ces DJ's composent une galerie de personnages absolument attachants. Si différents les uns des autres de part leur caractère ou leur approche de l’existence, l’amour de la musique cimente une solide amitié. Ils vivent de et pour la musique et sont prêts à mourir pour elle.
Dans "Good Morning England" ces hommes s’apostrophent en permanence, se lancent des piques, partagent les joies et les peines de l’existence. Leurs dialogues sont truculents, hauts en couleur. Leurs échanges font rebondir le long métrage à chaque instant.
Richard Curtis réalise un long métrage sans temps mort, un film qu’il dynamise par une mise en scène tonique. L’ambiance est électrique à chaque minute du jour et de la nuit. L’intelligence du réalisateur est de mettre en relief l’importance du phénomène de société que furent les radios libres. Pour contrebalancer les séquences se déroulant à bord du cargo "Radio Rock", nous découvrons tout au long du long métrage des anglais de toute origine, professionnelle, ethnique, religieuse ou autre, danser avec frénésie sur des airs endiablés. L’impact social est clairement mis en avant : des millions d’âmes vivent au diapason de quelques excentriques.
Mais que serait "Good Morning England" sans sa bande originale ? Tout simplement : rien. La musique est LA composante majeure de ce prodigieux long métrage. J’ai attendu avec patience le déroulement du générique de fin pour compter le nombre de hits musicaux diffusés pendant ces deux heures de pure comédie. Le résultat est incroyable :
60 tubes. Je crois que c’est la bande originale la plus dense, éclectique, riche qu’il m’ait été donné d’écouter au cours de mon existence.
The Rolling Stones, The Who, Otis Redding, Jimmy Hendrix, The Kinks ,The Beach Boys et tellement d’autres donnent le "La" au film. Les moments dramatiques, les instants de pur plaisir sont rythmés par des chansons du feu de Dieu.
Sur mon siège je battais la mesure au fur et à mesure. Quel agréable moment pour les oreilles. Le réalisateur a su aller au bout de sa démarche en illustrant son propos par des tubes qui appartiennent depuis longtemps à la légende du Rock et de la Pop.
La difficulté dans ce genre de long métrage est de donner ses instants de gloire à chaque personnage. Dans ce domaine "Good Morning England" est une réussite totale. Chaque acteur, de premier ou de second plan, a son ¼ d’heure de gloire. On parle parfois de film "chorale" et il est souvent difficile d’équilibrer la présence des uns et des autres à l’écran. Le metteur en scène met en valeur un personnage à un moment donné et à la minute suivante ce dernier se retrouve relégué au second plan de manière adroite pour notre plus grand bonheur.
Ces hommes et cette femme sont campés par des comédiens à l’immense talent. Philip Seymour Hoffman et Rhys Ifans sont complètement allumés. Bill Nighy incarne un britannique on ne peut plus smart. Nick Frost est énorme au propre comme au figuré. Katherine Parkinson est touchante dans le rôle de la cuisinière lesbienne. Kenneth Branagh est génial dans sa composition de ministre coincé du c… Emma Thompson fait un petit caméo décisif pour le déroulement de l’histoire.
A cette constellation de compositions détonantes vous pouvez ajouter une quinzaine de seconds rôles décisifs qui apportent tous quelque chose au long métrage, que ce soit une attitude, une parole ou un regard.
Je ne sais pas si "Good Morning England" sera ou non le film d’une génération mais il compte déjà beaucoup pour moi. Richard Curtis a réalisé une œuvre délibérément nostalgique, un film hommage. La musique est au centre de son propos.
La chronique de ces fondus qui vivent pour la musique sur un cargo mal en point au cœur d’une mer déchaînée donne une patate incroyable, une énorme soif de vivre.
"Good Morning England" ne ressemble à aucun autre long métrage. Deux heures de félicité.
A voir impérativement.

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