British Airways infléchit sa stratégie face ŕ la crise
L’hyperactivité d’Air France-KLM et Lufthansa, présentes sur tous les fronts et constamment en quęte de croissance externe, fait passer British Airways au second plan de l’actualité. A tort dans la mesure oů le troisičme pilier des transports aériens européens affiche une spécificité qui mérite l’attention.
BA n’échappe évidemment pas aux méfaits de la récession et a clôturé son exercice fiscal 2008/2009 avec un déficit d’exploitation de 220 millions de livres et une perte avant taxes de 401 millions. Le réveil est brutal, sachant que l’année précédente avait permis de dégager un bénéfice confortable de prčs d’un milliard de livres.
Comme d’autres, BA s’est bien défendue tout au long du premier semestre puis a plongé quand le monde s’est dérobé sous les pieds des grands argentiers de la plančte. D’oů, au final, un chiffre d’affaires quasiment stagnant de 8,9 milliards de livres. Avec flegme mais fermeté, Willie Walsh, directeur général, a aussitôt pris des mesures d’austérité. Et il a décidé d’une réorientation commerciale trčs nette.
A partir du moment oů la Ťclasse avantť se vide de ses occupants, BA choisit de privilégier le volume et non plus les recettes les meilleures. Il y a quelques années, la compagnie avait fait exactement le contraire, ce qui explique sans doute que son trafic, en quantité, ait évolué relativement lentement. Le troisičme Ťgrandť, en effet, ne transporte Ťqueť 33 millions de passagers par an, ce qui le place loin derričre ses deux grands concurrents. Curieusement, dans le męme temps, Willie Walsh, sans doute parce qu’il regarde déjŕ au-delŕ de la récession, affirme que BA entend bien rester la premičre compagnie en termes de trafic dit Premium. Voilŕ qui appelle un éclaircissement.
Cela étant dit, le rôle de BA est susceptible d’ętre renforcé de maničre spectaculaire dčs qu’interviendra la fusion avec Iberia. La compagnie espagnole constitue en effet un acteur majeur, fort de plus de 28 millions de passagers annuels et de deux plates-formes de grande qualité, Madrid-Barajas et Barcelone-El Prat.
Ralentie par des raisons technico-financičres, la préparation de cette fusion suit son cours et pourrait aboutir vers la fin de l’année. Ainsi devrait naître un nouveau ténor capable de renforcer l’alliance Oneworld. De plus, BA, Iberia et American Airlines, actuellement en attente de l’indispensable immunité anti-trust américaine, ont de grands projets communs en termes de lignes transatlantiques.
Le projet de fusion BA-Iberia retient aussi l’attention pour de tout autres raisons. Il met en scčne deux intervenants de taille similaire, de cultures profondément différentes mais étroitement complémentaires. Le scénario est trčs différent de celui qui a permis ŕ Air France de prendre le contrôle de KLM, nettement plus petite, puis d’entrer dans le capital d’Alitalia, elle aussi de surface moindre. De męme, Lufthansa a récemment mené ŕ bien plusieurs acquisitions mais, ŕ chaque fois, en reprenant des compagnies plus petites qu’elle.
Dans cet esprit, le regroupement BA-Iberia apparaît comme une expérience instructive. S’il est mené ŕ bien dans de bonnes conditions, il permettra en effet de confirmer que l’Europe des transports aériens est parfaitement capable de se restructurer.
L’indispensable méthode pour ce faire est désormais disponible et a déjŕ fait ses preuves. Il suffit (si l’on ose dire) au meneur de jeu, c’est-ŕ-dire au repreneur, de respecter soigneusement les spécificités de ses interlocuteurs, de ne pas nier l’existence de formes souvent subtiles de nationalismes économiques et d’ętre capable de gérer des ingérences politiques souvent d’un autre âge. Anglais et Espagnols sont, semble-t-il, d’accord sur ces rčgles du jeu. Aussi le tandem BA-Iberia a-t-il de bonnes chances de voir le jour.
Pierre Sparaco-AeroMorning