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Contours du jour qui vient

Publié le 15 février 2007 par Lorraine De Chezlo

Roman - 275 pages CONTOURS DU JOUR QUI VIENTde Léonora Miano
Editions Plon - Mai 2006
Prix Goncourt des Lycéens - 2006

Dans une Afrique équatoriale exsangue, la très jeune Musango est la victime d'un avenir très incertain et d'une mère mal-aimante. Abandonnée, chassée, répudiée par sa mère. Seule elle erre, part, échoue là ou ailleurs, au gré des vautours qui rôdent dans le pays, des marchands de femmes et des prêcheurs de mauvaise foi. Elle est plus faible que tout, quémande quelque nourriture quand elle croise un regard bienveillant, souffre de la drépanocytose qui l'anémie, de l'égoïsme ambiant qui la désespère et de cette mère qui lui manque cruellement.
Plus d'espoir ou presque... Il en subsiste toujours un. Cette mère qui hante ses cauchemars comme ses rêves devient son but, sa quête éperdue.

C'est l'histoire d'une reconstruction, d'une renaissance personnelle. Le roman nous fait accompagner Musango, à peine douze ans, mais déjà très consciente des ténèbres qui l'entourent, les ténèbres dans lesquelles une certaine Afrique tend à glisser séduite par une spiritualité revue et corrigée pour faire aimer la mort. Un obscurantisme religieux dangeureux, morbide qui engendre un égoïsme puissant que Léonora Miano veut dénoncer sans détour, parce que chacun est préoccupé d'abord par son propre salut pour lequel il s'investit corps et âme et fortune.

" ls tenaient à la main des cierges noirs qui brûleraient aussi longtemps qu'il le faudrait pour assurer leur salut. Ils n'avaient d'yeux ni pour moi, ni pour rien d'autre que les ténèbres qui s'épaississaient à mesure qu'ils les contemplaient. Ils n'allaient pas se repentir, mais se plaindre. Ils n'allaient pas chercher comment recréer l'harmonie au sein de leurs familles, mais comment bouter hors de leur domicile le sorcier qui, ayant pris l'apparence d'un proche, avait précipité leur ruine. Ils n'allaient pas élever leur âme, puisqu'ils n'aspiraient qu'à descendre, toujours plus bas, là où c'était le plus obscur, là où les pulsions de mort se faisaient passer pour des règles de vie honorables. [...] Ils voulaient s'évader du monde réel, n'y avoir aucune responsabilité, n'avoir jamais à s'y engager. Ils priaient comme certains se font un fix : pour planer."


Son écriture est puissante et recherchée, parfois je l'ai trouvée un peu sophistiquée, mais souvent je l'ai admirée, et relu certains passages pour mieux savourer. Il y en a beaucoup que j'aimerais noter ici, mais 'point trop n'en faut...'
Sur son parcours (initiatique ?) l'enfant rencontrera des hommes diaboliques, des filles éconduites, des personnes redoutables mais aussi quelques femmes salvatrices par leur courage. Car "toutes les bouches n'appellent pas la fin du monde", tous "ne fixent pas les ténèbres", et ils sont l'espoir de l'auteur. ["La nuit est longue mais le jour vient." ]
Aller, un dernier extrait pour la route...


"ssise, je fixe ce que je peux voir de toi, ce corps menu noyé dans le rouge d'une soutane trop grande. Je voudrais te protéger, tant tu me parais fragile en cet instant. Ton dos n'est plus cette muraille sèche, cette cloison étanche qui se dressait jadis entre nos deux coeurs avides et jamais rassasiés. J'imagine que tu as les mains posées sur les genoux et j'oublie, mère, leur fureur s'abattant sur ma peau pour un oui, pour un non, pour des riens dont cette inextinguible fureur que tu portais en toi se saisissait pour s'épancher sans avoir à se dire. Nous sommes ce peuple d'oralité qui ne dit jamais rien d'essentiel, qui ne sait faire que des bruits pour tenter d'étouffer la douleur. Nous sommes des adorateurs de la parole futile ou prosaïque."

Libellés : Afrique, Littérature francophone, Livres, Miano Léonora


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