Qu’est-ce qu’un Antéchrist ?
L’Antéchrist est un immoraliste qui s’oppose aux définitions ordinaires des biens et des maux et s’insurge contre leur opposition. Le bien n’est pas le bonheur, l’idéal n’est pas au-delà, le but n’est pas la fuite. Le mal, de son côté, n’est pas de vivre car pécher, avoir des vices n’est plus un mal irrémédiable. Il n’y a pas d’autre bien que de vivre, même si vivre c’est rencontrer le mal.
L’Antéchrist est un libérateur qui ôte au mal son aspect culpabilisateur. Non qu’il soit en cela libertin et licencieux. L’Antéchrist, sans encourager au mal, cherche à supprimer le sentiment de faute en combattant l’idée de péché. Il n’affirme pas que le mal, l’adultère ou le mensonge par exemple, n’en soit pas un, mais que son souvenir, sous la forme de l’humiliation, de la honte, de la torture personnelle, est le poison de l’existence, ce qui fait haïr la vie. Le mal fait, il faut l’oublier.
L’Antéchrist est un affirmateur. La seconde chose qu’il cherche à supprimer est la haine, le sentiment d’hostilité, le ressentiment. Il ne fait porter de faute ni à soi ni aux autres. L’Antéchrist n’est donc pas un accusateur. Il refuse de vivre dans la haine et dans l’opposition, dans la rumination et la vengeance. L’Antéchrist, paradoxalement, n’en veut pas à ses adversaires, il les accepte.
A bien y réfléchir, l’Antéchrist n’est donc pas l’opposé du Christ. Le contre-modèle, l’ennemi de l’Antéchrist, ce n’est pas le Christ mais une certaine falsification du message christique…