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Femmes arabes dans le Golfe (2/2) : deux ou trois choses qu’on (ne) sait (pas) d’elles

Publié le 24 mai 2009 par Gonzo

Femmes arabes dans le Golfe (2/2) : deux ou trois choses qu’on (ne) sait (pas) d’elles

Si l’horizon politique immédiat du monde arabe semble plus fermé que jamais, une autre actualité, celle des questions de société, permet d’être un peu plus optimiste - ou au moins un peu moins pessimiste ! Cela se note en particulier dans ces pays du Golfe sommés, plus que tous les autres, d’évoluer alors qu’ils sont, en apparence au moins, les moins bien armés pour le faire en raison de leur histoire, de leurs traditions et des idéologies dont se réclament leurs systèmes politiques… Et comme ailleurs dans le monde arabe, mais de manière plus évidente encore, la question féminine est au cœur des tensions.

A première vue pourtant, les raisons de se réjouir ne sont pas évidentes. Récemment par exemple, le quotidien Al-Quds al-‘arabi (édition du 11 mai) signalait trois faits divers, rapportés presque simultanément par trois agences de presse différentes. On apprenait ainsi que la justice avait donné raison à un homme ayant giflé sa femme pour lui reprocher des dépenses inconsidérées, tandis qu’un autre avait divorcé de son épouse parce qu’elle avait été arrêté au volant d’une voiture ; ailleurs, une militante féministe avait été violemment battue par sa famille à son retour d’une session de formation à l’étranger…

Moins médiatisée que d’autres, le problème de la violence à l’encontre des femmes semble se développer dans ces sociétés en pleine mutation (article en arabe dans Al-Hayat à propos d’une étude réalisée à la demande des autorités du Qatar). Sans en faire une excuse, ni même une justification, on peut tout de même, à la suite de la chercheuse saoudienne Madawi El-Rasheed (article en arabe malheureusement), y voir l’écho des violences subies par l’ensemble de la société, à commencer par les hommes “traumatisés” par la rapidité des transformations et cette irrésistible montée en puissance de l’affirmation féministe.

En témoigne, de manière éclatante, l’évolution au fil des ans du poète du million, joute poétique qui rassemble des dizaines de millions de téléspectateurs (voir ce précédent billet). A l’origine de cette success story des médias arabes, une femme, Nasha Al Rwaini (portrait ici), également animatrice d’un célèbre talk-show sur Abu Dhabi TV, qui s’étonnait elle-même d’un phénomène qu’elle n’avait pas anticipé, à savoir le rôle joué par cette émission dans la promotion de la femme. Renouant le fil avec d’antiques traditions culturelles, des femmes, de plus en plus nombreuses, se sont en effet emparées de cette tribune offerte par la compétition télévisée pour affirmer, au vu et au su de tous, leur présence dans la société et leur capacité à rivaliser avec les hommes, y compris sur le terrain « sacré » de la création poétique.

Selon la productrice, elles n’étaient que 5% lors de la première saison, et représentent désormais le quart des poètes à la recherche de la consécration télévisuelle à la troisième, laquelle a été marquée par la forte personnalité de Aydah Al Jahani (عيدة الجهني : c’est elle [!] sur la photo en ouverture de ce billet…), une enseignante et mère de famille de Médine, qui s’est présentée (avec succès) à l’émission en dépit de l’opposition résolue des hommes de son « clan », lesquels se sont ralliés rapidement à « leur » candidate en se rendant compte qu’elle était la meilleure interprète des vertus de leur tribu grâce à son succès sur le petit écran !

Symboliquement, c’est autour du droit à la conduite - d’une voiture - que se livrent les batailles entre les partisans de l’émancipation féminine et ceux de la tradition (rigoureusement islamique bien entendu, en tout cas dans sa lecture wahhabite). Inexorablement, il semble bien qu’on s’approche d’une solution comme en témoigne la récente déclaration, très remarquée, d’une importante autorité religieuse locale délivrant, à l’encontre de bien d’autres avis religieux précédents, une fatwa qui ne voit rien contre le fait que les femmes conduisent et qui rendra peut-être la vie plus facile à une bonne partie de la population saoudienne.

Dans le même avis, ce cheikh libéral donnait son opinion sur la question des salles de gymnastique, un autre sujet de discorde sur lequel il donnait un point de vue tout aussi inspiré. A ses yeux, pas de problème (article en arabe) ; bien au contraire, l’exercice physique pour les femmes du Royaume est même une obligation religieuse (ضرورة شرعية)  dès lors qu’il leur permet de préserver leur organisme. Un argument bien vite repris par les féministes locales qui ont imaginé de se moquer de ceux qui prétendent les maintenir à la maison en lançant sur Internet une campagne sur le thème Let her get fat ! (Un slogan qui fait allusion à une autre campagne féministe, toujours sur le même média, qui s’adresse aux maris, aux pères et aux frères des Saoudiennes et qui a pour thème Khalluha ta’addi خلوها تعدي: laissez-la aller de l’avant !)

Sorties de leur contexte, les modalités de cette affirmation peuvent surprendre, et même être facilement interprétées à contresens. Car si l’on devine assez vite les raisons qui poussent les femmes saoudiennes à réclament le droit de parler lingerie avec des vendeuses plutôt qu’avec leurs collègues masculins, un regard étranger n’est pas nécessairement préparé à considérer que l’ouverture d’hôtels ou de cafés (où l’on fume le narguilé !) exclusivement féminins marque une avancée dans la libération de la femme. Non plus que l’ouverture de cafés ou de piscines unisexes…

On aurait tort pourtant de négliger cette autre « révolution tranquille » : plus encore que les (timides) progrès que permet de constater l’observation de la scène politique, ce sont les évolutions perceptibles, au jour le jour, dans les sociétés du Golfe qui laissent espérer une réelle transformation. Et si les élites décident elles-mêmes de jouer sur le terrain non pas du politique mais du sociétal, en prenant levier sur ce désir et ce besoin de changement, on peut même penser que les choses peuvent aller plus vite qu’on ne le pense.

On voit, sur cette photo, le prince Walid Ibn Talal recevoir les joueuses du Ittihad al-muluk. Au grand dam des courants conservateurs, le magnat de la presse, fer de lance du courant libéral, affiche son soutien (y compris financier) à la première équipe féminine de football du  KSA (Kingdom of Saudi Arabia) !

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