J’aime bien les romans de Eric-Emmanuel Schmitt. Il y a toujours une petite dose d’humour même pour parler de sujets graves. Le juste équilibre.
Le voilà qui s’attaque au thème des clandestins, des réfugiés. Peu d’auteurs écrivent sur ce sujet. Lui, il le fait avec une sensibilité touchante.
Présentation de l’éditeur
Saad veut quitter Bagdad, son chaos, pour gagner l’Europe, la liberté, un avenir. Mais comment franchir les frontières sans un dinar en poche ? Comment, tel Ulysse, affronter les tempêtes, survivre aux naufrages, échapper aux trafiquants d’opium, ignorer le chant des sirènes devenues rockeuses, se soustraire à la cruauté d’un geôlier cyclopéen ou s’arracher aux enchantements amoureux d’une Calypso sicilienne
Il y a beaucoup de poésie dans ce roman qui nous rappelle que l’Irak qui souffre, qui subît la dictature, l’embargo, la guerre, c’est aussi le berceau de l’humanité, la terre où fût fondée la cité antique de Babylone, le pays où fût construite la tour de Babel. Un pays qui grouillait de vie, de culture, d’intelligence et de savoir mais où la vie au 20ème et 21ème siècle est devenue un enfer.
“Bleu comme une orange”, suggérait Eluard, un écrivain français, car l’orange est l’opposé total du bleu, un rouge qui se mouille de jaune. Le bleu de la mer Rouge paraît d’autant plus bleu qu’on l’appelle rouge. Cela ne tient pas à la chimie des vagues ou de la lumière, mais la chimie poétique
Ulysse from Bagdad de Eric-Emmanuel Schmitt p119
Grâce à leurs intellectuels, les Européens peuvent vivre à l’aise dans un monde double: ils parlent de paix et ils font la guerre, ils créent de la rationalité et tuent à tour de bras, ils inventent les Droits de l’homme et ils totalisent le plus grand nombre de vols, d’annexions, de massacres de toute l’histoire humaine. Drôle de peuple, les Européens, l’ami, drôle de peuple, un peuple dont la tête ne communique pas avec les mains.
Ulysse from Bagdad de Eric-Emmanuel Schmitt p232
Parce que chaque individu a éprouvé ceci, ne fût-ce qu’une seconde au cours d’une journée: se rendre compte que, par nature, ne lui appartient aucune des identités qui le définissent, qu’il aurait pu ne pas être doté de ce qui le caractérise, qu’il s’en est fallu d’un cheveu qu’il naisse ailleurs, apprenne une autre langue, reçoive une éducation religieuse différente, qu’on l’élève dans une autre culture, qu’on l’instruise dans une autre idéologie, avc d’autres parents, d’autres tuteurs, d’autres modèles. Vertige! Moi, le clandestin, je leur rapelle cela. Le vide. Le hasard qui les fonde. A tous. C’est pour ça qu’ils me haïssent.
Ulysse from Bagdad de Eric-Emmanuel Schmitt p260