Extrait du film "les raisins de la
colère" de John Ford avec Henry Fonda
La famille Joad transporte l'ensemble de ses biens dans un camion.
Avec le recul, je pense que c'est la littérature qui m'a ouvert les yeux sur le monde dans lequel nous vivions. Lire "Germinal" de Zola, c'est d'abord faire un cours d'Histoire et
comprendre le système économique capitaliste. Car si le marché existe depuis que le monde est monde, le capitalisme moderne est né sous la révolution industrielle. L'histoire ouvrière et les
chroniqueurs de l'époque nous en apprennent donc autant que l'observation de la société actuelle puisque le système a été poussé, mais reste le même.
Je crois que mes deux plus grosses claques littéraires restent tout de même "Les raisins de la colère" de John Steinbeck (voir ici), roman décrivant l'exode d'une famille vers la Californie et "Le seigneur des porcheries" de Tristan Egolf
(voir ici). Tout deux américain, tout deux systémiques, ils ont su raconter une histoire plus vraie que nature. C'est
ainsi que je conçois un bon auteur: quelqu'un qui est capable, par une histoire, d'expliquer une thématique de la société contemporaine dans un territoire donné.
A travers l'Art, c'est cette critique sociale, cette réflexion sur notre époque qui m'a toujours passionné. C'est d'ailleurs la raison de mon goût pour la Science-fiction qui, loin d'être de la
sous-littérature, est en réalité une littérature de réflexion. Les premiers anti-nucléaire ne sont-ils pas les auteurs de SF? Certains d'entre eux n'avaient-ils pas anticipé Hiroshima? Lire
"Jack Barron ou l'éternité" de Norman Spinrad, c'est comprendre le pouvoir des médias et lire "Demain, les chiens" de Clifford D. Simak, c'est se poser des questions sur
l'Humanité. On pourrait également parler du film "Brazil" de Terry Gilliam sans doute aussi percutant qu'un Kafka.
De tels artistes existent toujours. L'excellent "Full Monty" par exemple n'est-il pas une critique acerbe du chômage et une vision plus réaliste de la vie dans le Nord de l'Angleterre
que celles que les séries américaines de Berverly Hills véhiculent sur la vie aux Etats-Unis? Comment mieux comprendre la ségrégation que par l'ouvrage d'Harper Lee, "Ne tirez pas sur
l'oiseau moqueur" (voir ici)?
Notre société a trop tendance à écarter ce qui est "moche" (subjectif) dans l'art. La télévision est particulièrement douée pour cela: entre les reportages d'Ushuaïa magnifiques ou les téléfilms
où tout est propre, on a parfois l'impression de ne pas vivre dans le même monde. La critique vaut pour nous qui, lorsque nous prenons des photos, faisons en sorte de pousser la poubelle qui
gâche la vue!