Lettre de Pierre Petit de Julleville (1876-1947), supérieur de l’Ecole Sainte-Croix de Neuilly à ses élèves :-Le 12 novembre 1914-Mes chers enfants,
il fait nuit. Enfouis dans la paille la couverture rejetée jusqu’ aux yeux, mes hommes dorment tous d’un sommeil lourd… Après l’agitation de la journée voici l’heure du religieux silence où chaque soir depuis trois mois passés je vous retrouve en Dieu. Je pense à vous. Je prie pour vous. Chacun de vous en particulier. J’ai sous les yeux les listes de Sainte Croix. Un par un vos noms chers passent dans mon cœur. …Et alors tout naturellement je prie pour vous d’une prière qui peut varier selon vos besoins mais dont le fond reste toujours le même : que Dieu mes enfants durant ces longs mois de guerre, garde vos cœurs graves, fiers et ambitieusement tournés vers l’avenir. Songez aux souffrances de la patrie, tant de ruines, de clochers abattus, de maisons démolies, de champs dévastés ; tant de familles dépouillées de tout et dispersées de tous côtés. …Selon que nous serons vainqueurs ou vaincus, ce qui s’appelle la France, c’est-à-dire un trésor accumulé depuis des siècles d’idées et de sentiments de finesse et de clarté de générosité et d’esprit de conquête de foi religieuse ardente chez un grand nombre, mourra. … Soyez fiers aussi fiers d’être Français ? Il est bien loin de ma pensée de déprécier mes ennemis, et je n’aime point cette besogne trop facile qui consiste à jeter, d’un seul coup, sur eux le ridicule ou l’anathème. Où serait notre mérite, s’ils étaient sans force et sans vertu ? Mais je ne crois point qu’on puisse trouver, n’importe où, une ardeur d’âme égale à celle de l’âme française.Lire la suite sur FDesouche