Est-ce un hasard ? C’est le royaume du Bhoutan, démocratie électorale depuis 2008, qui détiendra pour l’histoire le record du monde de résistance à l’invasion de cette petite boite blême qui égaye les journées de milliards d’humains. Au Bouthan, petit royaume de 700 000 habitants coincé entre l’Inde et la Chine, la télévision n’est apparue qu’en 1999 et depuis les années 1970 on mesure la croissance du pays en terme de Produit National Brut. C’est à l’époque le Roi Jigme Singye Wangchukl qui avait défini pour ses sujets cet indicateur alternatif au PIB, Produit Intérieur Brut, utilisé par tous les états de la planète pour mesurer la santé des nations, et dont la pertinence est aujourd’hui remise en question.
Comment mesurer le bonheur
Au fil de son ouverture au monde, le royaume, dont la démocratisation symbolisée par les premières élections législatives de 2008 s’est produite à l’origine du roi lui même, a du préciser ses intentions. Les fonctionnaires de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International, à l’affut de chiffres et résultats, ont cherché chez leurs interlocuteurs locaux des éléments de mesure précis. Les prêts accordés au pays se sont concrétisés par des projets de développement qui tranchent avec les habituels déstructurations étatiques associées aux grands organismes financiers lorsqu’ils s’ingèrent dans les politiques locales de pays en développement : le prêt de 68 millions de dollars (2003) s’est concrétisé à 50 % par des projets consacrés à l’éducation, mais aussi au développement rural et urbain. Parmi les critères de mesure du “Bonheur National Brut” établis par les autorités du Bhoutan pour mener la politique nationale, le système associe les 4 piliers d’une société heureuse que sont l’économie, la culture, l’environnement, et une bonne gouvernance. Ces 4 piliers sont déclinés en 9 domaine : santé psychologique, écologie, santé, éducation, culture, niveau de vie, utilisation du temps, vitalité des communautés, bonne gouvernance. Dans chacun de ces domaines se développent 72 indicateurs pondérés censées donnés pour chacun un niveau plus ou moins bon. Ainsi le domaine psychologique inclut les notions de relaxation ou prière, sentiments de jalousie ou de générosité…Des indicateurs certes subjectifs mais la question est posée : que signifie la précision de nos indicateurs conventionnels quant ils incorporent en leur croissance des éléments aussi instables que l’obtention de profits à court terme, les dépenses de réparation des dégats causée à l’environnement et autres indicateurs de croissance financière sans reflexion sur les conséquences à moyen et court terme…