L'autonomie est la capacité de faire des choses par soi-même et de voir à ses besoins. Le psychoéducateur Germain Duclos ajoute que c'est aussi «rompre des liens de dépendance avec son entourage et être capable de faire des choix». L'autonomie s'apprend en duo parent-enfant. Pour l'enfant, devenir autonome consiste à acquérir plus de responsabilités, à les assumer et à devenir plus indépendant. Les parents, quant à eux, doivent guider leur enfant, le laisser se distancer d'eux et résister à la tentation de faire les choses à sa place. Car, quand on effectue souvent des tâches que l'enfant peut assumer lui-même, «on le maintient dans un état de dépendance confortable et on lui confirme qu'il n'est pas capable de les faire. Pour l'estime de soi, c'est désastreux. C'est aussi très dévalorisant», explique Germain Duclos, également auteur de nombreux ouvrages traitant de l'estime de soi.
Un jeu d'essais-erreurs
Faire les choses par soi-même est un jeu d'essais-erreurs. «L'apprentissage de l'autonomie n'est jamais sans conséquences et sans heurts», souligne Lison Landry, psychologue à la Commission scolaire des Samares. L'enfant expérimente ou fait des choix, et il doit apprendre à vivre avec les conséquences de ses actes. «Au début de l'année, je répétais tous les jours à mon fils d'apporter son cahier de calligraphie pour faire son devoir, mais il l'oubliait presque toujours, raconte Sophie Rondeau, mère de trois garçons et enseignante au secondaire. Il a appris que, s'il ne faisait pas son devoir de calligraphie, il devait le finir à la récréation. Il n'aime pas ça. Maintenant, je l'achale moins avec ça. Je le lui rappelle parfois en lui disant qu'il devra le faire à la récréation. C'est tout! Il y pense beaucoup plus souvent.»
«Être motivé à assumer ses responsabilités est un grand incitatif dans cet apprentissage», croit Lison Landry. En relevant de petits défis, l'enfant éprouve la satisfaction du travail bien fait. Si, en plus, il est valorisé par ses parents et sent qu'ils sont fiers de lui, c'est excellent pour son estime de soi et sa confiance en ses moyens. Il se sent capable de réussir, et cela le poussera à tenter d'autres expériences. «Au contraire, si on le protège trop, il attendra qu'on fasse les choses à sa place, soutient-elle. Il y aura un désengagement de sa part et il ne trouvera aucune motivation à les faire seul.»
Avoir des attentes réalistes
«Élever des enfants, c'est les tirer vers le haut», dit Germain Duclos. Entretenir des attentes envers eux est donc normal et profitable tant qu'elles sont réalistes. «Il faut y croire un peu plus qu'eux tout en leur présentant des défis surmontables», précise Marie-Claude Béliveau, orthopédagogue et psychoéducatrice au CHU mère-enfant Sainte-Justine. Marcher, parler et être propre sont les premières étapes importantes de la quête d'autonomie. Elles permettent à l'enfant de couper des liens de dépendance. Par la suite, on lui accorde graduellement des responsabilités. Dès deux ans et demi, il est capable de ramasser ses jouets. À trois ans, il peut apporter sa vaisselle à l'évier. «Les enfants sont capables de bien des choses, souvent beaucoup plus qu'on le pense! confie Geneviève Ouellet, maman de trois enfants et éducatrice. Les laisser devenir autonomes, c'est laisser tomber la perfection et accepter que ce soit fait à leur manière et à leur rythme. C'est leur fournir les moyens nécessaires, leur donner confiance en leurs capacités, les encourager et les accompagner dans les difficultés sans faire les choses à leur place.»
Les enfants qui vont à la garderie sont souvent plus autonomes que ceux qui restent à la maison. «Au CPE, les enfants assument plus tôt de petites responsabilités comme mettre les napperons sur la table pour la collation, et ils adorent cela! explique Germain Duclos. À la maison, ils ont la certitude de l'amour inconditionnel de leurs parents alors qu'à la garderie il y a des conditions pour être accepté et pour garantir une certaine sécurité.» Si notre enfant ne va pas à la garderie, on peut pallier à cette situation en multipliant les occasions pour l'enfant de socialiser. Par ailleurs, une fratrie nombreuse peut inciter les plus jeunes à imiter les aînés, qui deviennent des modèles. Plus il y a d'enfants dans une famille, plus ceux-ci sont appelés à devenir autonomes rapidement, quoique, parfois, une organisation serrée contrecarre toute tentative d'autonomie.
Chacun à son rythme
Les parents sont les mieux placés pour déceler les signes que leur enfant recherche l'autonomie. À eux d'y répondre en s'assurant qu'il a la capacité d'assumer plus de liberté et d'autonomie, et en instaurant des paramètres de sécurité. Loin de le brimer, ce cadre sécurise l'enfant. Chaque enfant devient autonome à son rythme. Nul besoin de le pousser trop tôt ou de s'inquiéter outre mesure. Ce n'est pas parce qu'un voisin du même âge va au parc seul qu'on laisse notre enfant y aller aussi. «Tout dépend de la personnalité de l'enfant. S'il est impulsif ou influençable, on n'agit pas de la même façon que si on le sait très responsable», note Anne-Marie Delisle, psychoéducatrice. D'où l'importance de regarder ce que font les autres enfants du même âge sans tomber dans le piège de la comparaison
«Maintenant, je calcule 15 minutes pour l'habillement avant de partir chez la gardienne, raconte Julie Landry, mère de deux enfants et enseignante au secondaire. C'est 10 minutes de plus qu'avant, mais mon fils est fier de dire: "Tout seul, maman." Il faut prévoir plus de temps, ce qui est souvent plus difficile pour nous, les parents.» Autre difficulté pour les parents: ils entendent des histoires horribles dans les médias et craignent beaucoup pour leurs rejetons.
Normal, mais transmettre nos peurs à nos enfants n'est pas souhaitable. Anne-Marie Delisle insiste: «Il faut faire la part des choses et se demander si on a confiance en notre enfant, si c'est une peur personnelle ou si la situation est vraiment dangereuse.»
Et les devoirs?
Le mot d'ordre, c'est de pratiquer un «dirigisme décroissant», comme l'appelle Germain Duclos. En première année, on est directive. L'année suivante, on laisse l'enfant faire une partie de ses devoirs seul pendant qu'on prépare le souper. «Dès 8 ou 9 ans, on le laisse choisir où et quand il fera ses devoirs, explique-t-il. On relève avec lui les avantages et les désavantages de chaque possibilité. Par exemple, si tu fais tes devoirs dès ton retour de l'école, tu ne joueras peut-être pas avec tes amis, mais tu pourras écouter ton émission préférée. Ensuite, c'est à l'enfant de choisir et d'assumer son choix avec ses conséquences.» Si, un soir, l'enfant est mécontent, on lui indique qu'il n'a pas à être fâché contre nous et on lui rappelle que c'est sa décision. Toutefois, on peut réajuster le contrat chaque mois ou à chaque étape.
« S'il n'a pas compris une consigne, on lui demande de la relire, explique Marie-Claude Béliveau. Ce serait plus simple de la lui expliquer, mais on ne lui rendrait pas service. On est disponible, mais on reste autour du sac d'école et non dedans.» On ne se désintéresse pas des devoirs pour autant: «Les parents ont une grande influence sur les enfants, et encore plus lorsqu'ils arrivent au secondaire, insiste Brigitte Lampron, enseignante au secondaire et mère de deux adolescentes. Il est faux de croire qu'à cette étape ils n'ont plus d'impact.» Marie-Claude Béliveau, quant à elle, nous met en garde contre la tentation de ne rechercher l'autonomie que dans ce domaine: «Les devoirs ne doivent pas être la seule responsabilité qu'ont les enfants. On entend parfois des parents dire: "Occupe-toi juste de tes devoirs, c'est assez!" Erreur! Il faut exiger ailleurs, car, à la préadolescence, c'est là que l'opposition va se camper.» Selon elle, on devrait amener l'enfant le plus tôt possible à se sentir utile dans la maison en lui confiant des tâches et des responsabilités. Bref, on veille au grain sans donner la becquée trop aisément.
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