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Qu'importe l'ivresse, pourvu qu'il y ait le flacon. C'est désormais la règle qui prévaut en matière de spectacle sportif. Surtout lorsque le téléspectateur appuie sur le bouton de la télécommande. Canal+, mardi soir, première soirée de Ligue des Champions 2007-2008. Un programme, poursuivi le lendemain, ressemblant à s'y méprendre à un premier tour de coupe de l'UEFA. Des petits clubs entre eux (Marseille-Besiktas, Donetsk-Celtic de Glasgow, Slavia Prague-Steaua Bucarest…), des grands face à des petits (FC Barcelone-Lyon, Chelsea-Rosenborg…) et quelques chocs d'intérêt modeste pour cette première journée d'une ennuyeuse phase de poules. Un non événement quoi… Heureusement, la maison ne lésine pas sur l'emballage ! Et que j'te balance du consultant de première bourre ! Du Zizou "médiatrainé", tout juste moins mutique qu'à l'ordinaire. Du Aimé Jacquet relooké façon Higlander 8, avec la crinière et la barbiche d'un Sean Connery fourbu d'avoir tourné trop de séries B.
Et puis, histoire de mesurer la gravité du moment, il y a l'hymne de la Ligue des Champions ! On ne vivait pas plus mal, du temps de l'ancienne C1, lorsque les matches débutaient sans tout ce tintouin. Mais nos footballeurs, qui sont d'incurables midinettes, en rêvent dès les début de leur carrière paraît-il, comme la pucelle d'Orléans d'une lance à incendie. Pour être franc, la première fois que j'ai assisté au cérémonial, j'ai cru qu'au milieu de terrain une bande de scouts hystériques secouait une nappe de pique-nique en écoutant du Carl Orff. Que voulez-vous, je n'ai pas une caméra dans le cœur et j'ai la faiblesse de croire que l'événement sportif peut encore se suffire à lui même, sans que l'on se sente obligé de faire du moindre tricotage de jambes velues un moment d'artificielle solennité.
J'espère, sans oser y croire, que les organisateurs de raoults sportifs et cathodiques sauront aussi un jour revenir à plus d'humilité en matière de cérémonies d'ouverture. Celle de la coupe du monde de rugby aurait pu être parfaite si l'on s'était contenté d'offrir un sympathique tour de pelouse aux vieilles gloires de l'Ovalie rassemblées pour l'occasion. Mais il a fallu, comme à chaque JO depuis les années 80, que les instances de la balle ovale nous servent un indigeste brouet façon Découflé, avec force personnages grotesques et machines improbables. Vous me direz, ça fait travailler des intermittents du talent et ça fait plaisir aux enfants. C'est vrai. Mais c'est surtout pain béni pour les vendeurs de lessives ou de sodas, qui voient là un moyen de placer quelques spots publicitaires supplémentaires en "mondovision", comme on disait du temps de l'ORTF. Les grandes marques sont d'ailleurs les premières à forcer le trait sur la théâtralisation du sport. Avec la collaboration active des journalistes bateleurs du PAF, dont le rôle consiste aujourd'hui à créer sur commande des soirées "inoubliables" et des événements "à ne pas surtout pas rater". Quitte à ce que les sommets annoncés fassent "Pschitt" et fument sans faire la moindre étincelle, comme les fumigènes d'un tifo un soir de pluie…