Leon Hadar - Le 22 mai 2009. Alors que le premier Ministre israélien Benjamin Netanyahou était à Washington pour rencontrer le Président Obama, les dirigeants politiques américains ont été pressés de mettre le conflit israélo-palestinien de côté et de dépenser leur temps et leur énergie à plancher sur la menace supposée pour les Arabes et les Juifs au Moyen-Orient : l’Iran. Selon cette vision, s’attaquer à cette menace permettrait de garantir la paix en Terre Sainte. M. Netanyahou avait posé le problème plus tôt ce mois-ci : « Il se passe quelque chose aujourd’hui au Moyen Orient, et je peux dire que pour la première fois de ma vie je pense que les Arabes et les Juifs voient un danger commun ».
Par le passé des acteurs clés à Washington et Jérusalem se sont convaincus à plusieurs reprises du fait que se concentrer sur une tierce partie rendrait la paix possible entre israéliens et Palestiniens. Mais cela n’a jamais fonctionné, et cela ne fonctionnera pas cette fois-ci non plus.
Durant la guerre israélo-arabe de 1948, l’Union soviétique avait fourni un soutien diplomatique et militaire au nouvel État Juif. De nombreux Israéliens, faisant écho à la propagande soviétique, propageaient l’idée que la défaite des puissances impérialistes au Moyen orient et la chute de leurs laquais corrompus dans le monde arabe – y compris en Palestine – faciliteraient un nouvel âge de coopération entre les progressistes israéliens et palestiniens. Cela n’arriva pas.
Durant la Guerre Froide, à Jérusalem et à Washington, on vivait dans le fantasme de « l’image du miroir », accusant le soutien soviétique aux radicaux arabes d’être le moteur du conflit israélo-arabe. Selon cet argument, le nationalisme palestinien était simplement un autre mouvement marxiste radical contrôlé par Moscou. Considérant la confrontation israélo-arabe comme un élément mineur du face-à-face USA-URSS, Washington a presque fermé les yeux sur l’annexion rampante de la Cisjordanie par Israël, et lui a donné le feu vert pour envahir le Liban en 1982 – avec des conséquences désastreuses dans les deux cas.
L’administration Bush a vu son incursion en Irak comme substitut à une diplomatie stratégique pour la paix israélo-palestinienne. Mais l’idée que la route vers Jérusalem passait par Bagdad, c’est à dire que la transformation de l’Irak en une démocratie libérale pro-américaine et la promotion de « l’agenda de la liberté » au Moyen-Orient renforceraient les forces régionales soutenant la paix avec Israël, cette idée fût une illusion. Plutôt que de renforcer le bloc pro-américian au Moyen-Orient, affaiblir l’Islam politique radical et accélérer le processus de paix, les politiques de l’administration Bush ont aidé à faire pencher l’équilibre des pouvoirs régionaux en faveur de l’Iran et de ses satellites, renforçant ainsi les forces anti-américaines et anti-israéliennes au Liban et en Palestine.
Aujourd’hui le message émanant d’Israël et de certains de ses soutiens aux USA est que la route vers Jérusalem passe par Téhéran. M. Netanyahou prétend que puisque l’Iran est hostile à l’existence d’Israël et soutient le Hezbollah au Sud Liban et le Hamas à Gaza, la seule manière de rendre possible la paix israélo-palestinienne est d’empêcher l’Iran d’acquérir une capacité nucléaire et de le mettre à genoux. Toujours selon la nouvelle diplomatie israélienne, puisque les États arabes de premier plan comme l’Égypte, la Jordanie et l’Arabie Saoudite sont aussi inquiets du pouvoir grandissant de l’Iran, Washington devrait pouvoir rassembler un consensus visant à contenir l’Iran – et même peut-être persuader ses partenaires d’être plus disposés à résoudre le conflit israélo-palestinien.
Il est vrai que certains États arabes sunnites voient d’un mauvais œil l’influence grandissante de l’Iran et de ses partenaires chiites dans la région, et sont préoccupés par les perspectives d’une détente diplomatique entre Washington et Téhéran qui pourrait affaiblir le poids qu’ils exercent actuellement sur la politique américaine. Mais le fait qu’ils partagent certaines des préoccupations américaines ou israéliennes ne permettra pas la fondation d’alliances stratégiques de long terme (par opposition à des arrangements tactiques ad hoc).
Ensuite, il est utopique de croire qu’Amman, Le Caire ou Riyad approuvent ou même applaudissent à des frappes américaines contre les installations nucléaires militaires iraniennes. Les dirigeants arabes sunnites sont préoccupés par la colère possible de leurs populations contre leurs régimes après une telle attaque. Ils réalisent aussi que l’Iran serait dans une position « légitime » pour lâcher ses alliés contre Israël et les USA. Ainsi l’Égypte, la Jordanie et l’Arabie Saoudite se couvriraient si l’Iran avait à répondre à une attaque extérieure, alors qu’Israël serait exposé à des représailles iraniennes massives. Cela pourrait entraîner les Etats-Unis dans une intervention militaire directe très coûteuse aux côté d’Israël et plonger la région dans le chaos. Washington découvrira finalement que l’alternative principale à l’invasion de l’Iran et le renversement du régime était d’engager un dialogue diplomatique – une option possible aujourd’hui.
L’administration Obama semble comprendre cela et accueille favorablement la coopération de Téhéran pour établir la stabilité en Afghanistan, en Irak et au Liban, tout en continuant son dialogue sur la question du programme nucléaire iranien (et en préparant la dissuasion, au cas où l’Iran parvient à se doter de l’arme atomique). En fait, le conflit israélo-palestinien doit se traiter sans détours par l’extérieur, de manière directe, en se focalisant sur l’occupation de la Cisjordanie et Gaza, les colonies, les réfugiés et le statut de Jérusalem. D’ailleurs la résolution de ce vieux conflit pourrait justement mener à un apaisement avec l’Iran : la route vers Téhéran passe par Jérusalem plutôt que l’inverse.
Leon Hadar est analyste au Cato Institute à Washington DC.