Treize ans après James et la grosse Pêche et quatre ans après le bide injustifié de l’excellent Monkey Bones, Henry Selick revient enfin à ses premières amours, le film d’animation en stop motion. Et quand on sait que le film en question est tiré d’un court roman du génial Neil Gaiman, on ne peut que s’attendre à un chef d’œuvre. Et on aura bien raison.
Car Coraline est tout simplement l’un des meilleurs films d’animation jamais réalisé. Une œuvre visuellement extraordinaire, qui enchante du début à la fin. Dès les premières images, la magie fonctionne à plein tube et on est instantanément transporté dans ce monde nouveau. L’animation est parfaite, d’une fluidité exemplaire, et jamais on n’a l’impression de regarder des poupées en mouvement. Le souci du détail est tout bonnement hallucinant, que ce soit dans les expressions des personnages, leurs vêtements, ou encore les décors, tout fourmille de vie et contribue à créer un monde tangible et réel. A ce propos, pour pleinement apprécier le film, il est fortement conseiller de le voir en 3D, celle-ci apportant une sympathique profondeur de champ le rendant encore plus immersif. Le format numérique apporte de son côté un plus non négligeable à l’ensemble et permet d’apprécier encore plus la performance technique du long métrage.
Mais comme dans L’Etrange Noël de Monsieur Jack, la technique (pourtant éblouissante) ne passe qu’au second plan après l’histoire, et on suit les aventures de la jeune Coraline avec plaisir. On s’attache rapidement à elle et on suit ses aventures avec intérêt, d’autant qu’elle est dotée d’un caractère bien trempé. Les rebondissements de l’intrigue reprennent de nombreux éléments classiques de contes de fées (quête initiatique, épreuves à passer, objets magiques, compagnons apportant leur aide et bien évidemment entité maléfique à vaincre) ce qui les rend universelles. Mais Selick et Gaiman apportent leur touche personnelle à cet univers codifié, notamment en ajoutant une bonne dose de folie. Car tous les personnages de Coraline ont un petit grain, ce qui les rend soit amusants, soit limite effrayants, comme ces deux sœurs qui collectionnent les chiens empaillés (et préparent à l’avance la préservation de ceux qui sont encore en vie), ou ce voisin acrobate qui parle aux souris. Des idées assez tordues qui apportent une bonne dose de noirceur et d’iconoclasme au film. A ce propos, l’ouverture du film, avec ces mains métalliques qui détruisent une poupée avant de la réinventer sous une autre forme, est particulièrement inquiétante, mêlant une musique féerique à des images presque sortie d’un film d’horreur. Des idées folles comme celles-ci, le film en présente des centaines, passant de scènes d’une beauté fabuleuse (la création du jardin magique) à d’autres carrément flippantes (le monde alternatif se désagrégeant petit à petit lorsque la supercherie est révélée). Une des meilleures idées du film (et du livre) réside d’ailleurs dans le fait que pour rester dans le monde magique créé pour eux, les enfants doivent littéralement devenir aveugle à la réalité en se faisant coudre des boutons à la place des yeux. Une grosse dose de noirceur et d’onirisme comme tous les contes de fée devraient en avoir…
Avec Coraline, Henry Selick prouve une bonne fois pour toute que c’est bien lui le génie derrière L’Etrange Noël de Monsieur Jack et non Tim Burton (il suffit de comparer Coraline et le médiocre Les Noces Funèbres pour en être convaincu) et qu’il est toujours capable de nous transporter dans des mondes merveilleux, de nous faire rire et frissonner dans un même film. Espérons juste qu’il ne mettra pas de nouveau plus de dix ans pour nous pondre son prochain chef d’œuvre !
Note : 10/10