Je suis tellement en retard que j'ai presque l'impression d'être en avance. Le deuxième anniversaire de l'élection de l'immense Président de la R., notre Grand Chanoine, anniversaire célébré dans la liesse générale, est passé depuis maintenant quinze jours et je n'en ai dit mot. D'ailleurs, je n'ai pas beaucoup dit de mots ces derniers temps, mais c'est une autre histoire.
Depuis quinze jours je réfléchis donc à la signification profonde de l'anniversaire de cette grande date, date avec l'histoire bien entendu, l'anniversaire du jour où "un peuple s'est levé" pour se libérer de sa propre protection sociale et de tous les autres conservatismes qui avaient maintenu la France dans une sorte de torpeur médiévale.
La plupart des commentateurs, du moins dans la blogosphère de gauche, mais même au-delà, ont étrangement été assez durs avec le Très Grand Homme (TGH). Juan parlait d'une année boomerang :
Mais surtout, le président a aussi montré combien il pouvait être formidablement contre-productif: ses réformes aggravent les situations qu'elles entendaient améliorer. Heures supplémentaires, bouclier fiscal, pôle emploi, réforme de l'audiovisuel, les exemples sont nombreux de ces réformes-boomerang qui reviennent en pleine figure de ses promoteurs.
Je pourrais en citer plein d'autres. Tout le monde semble penser que le fait que Nicolas Sarkozy bat des records d'impopularité signifie qu'il y aurait un problème quelque part. Le fait que l'optimisme de ce fameux peuple qui en 2007 s'est levé (tôt, sûrement) se soit aujourd'hui transformé en pessimisme avec un brin de mépris pour l'Homme Providentiel d'alors, les commentateurs y voient même... tenez-vous bien... un échec.
Penser ainsi, c'est méconnaître la raison d'être de Nicolas Sarkozy, c'est ignorer le sens profond de sa présidence. Oui, il avait dit qu'il allait transformer la société, travailler pour gagner, chercher la croissance avec ses dents, des Rolex pour tous les quinquas, supprimer le chômage, instaurer l'éthique dans les relations internationales. Il ne fallait pas y faire attention. Le but n'était pas de faire ci ou ça, mais simplement occuper le pouvoir.
Qui n'a pas apprécié la souplesse politique de Jacques Chirac ? Tantôt "fracture sociale", tantôt écologiste, comme ces moulins qui s'ajustent selon l'orientation du vent, Chirac était également maître en l'art du dos rond. Il était tellement bon qu'il se fait rélire contre Le Pen, histoire de détacher complètement son élection de quoi que ce soit de politique.
Sarkozy est pareil : le but est de rester en pouvoir, tout simplement. Et sur ce plan, le TGH n'a aucune raison de rougir devant le bilan de ses deux premières années. Car s'il est très bas dans les sondages, ses adversaires n'en profitent pas. À l'horizon, rien de menaçant. Rien. Tel le yacht de Bolloré, Sarkozy navigue dans le calme.
- Parti Socialiste Plus faible que jamais. En faisant cause commune avec l'appareil jospiniste du Parti, Sarkozy se protège efficacement de sa rivale de 2007, pourtant la seule figure au PS à bénéficier du moindre aura populaire. Un bon plantage aux européennes et la confusion sera totale et durable.
- UMP C'était beaucoup plus difficile à réaliser, mais c'est fait. Sarkozy peut dormir tranquillement sur ses deux oreilles gaullistes. En interne, c'est Jean-François Copé qui incarne on-ne-sait-pas-trop-quoi de non-sarkozyste. C'est pour dire qu'il n'y a pas d'opposition crédible. Villepin, l'ennemi numéro un, reste empêtré dans Clearstream et pour l'instant ne fera pas de mal à une mouche.
- Bayrou Sarkozy n'a pas à s'en occuper, d'autres le font à sa place. En commençant par le MoDem lui-même.
- Presse Pas de souci, même si de temps en temps il faut montrer à quelques impertinents qui est le véritable patron de la comm, quitte à faire appel aux armes policières (via Betapolitique) ou judiciaires.
En somme, c'est le triomphe du sarkozysme. Du vrai sarkozysme, pas celui qui sert à se faire élire. Il peut garder la tête haute. Bien joué Monsieur le Président.